Un sauvageon au Parlement

Publié le 14 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

L’autre semaine a eu lieu l’ouverture solennelle de la nouvelle session parlementaire des Pays-Bas. Tout le monde était sur son trente et un, la presse avait envahi les lieux, les caméras de télé ronronnaient dans tous les coins Et soudain se présente à l’entrée un petit bonhomme à tête de rappeur, « typé » comme on dit, vêtu comme un sauvageon de banlieue et arborant un sourire genre « que voilà une bonne blague que je m’apprête à faire ». Évidemment, les huissiers, les videurs et autres agents de sécurité font barrage de leurs corps musculeux au petit délinquant qui prétend envahir à lui tout seul le lieu où se dit la grand’messe de la démocratie. Et c’est là que l’affaire se corse : le gibier de potence affirme qu’il est nouvellement député !
– « J’m’appelle Tawfiq, dit-il, et chuis détépu. »
Le chef des huissiers consulte la liste du nouveau Parlement et, horreur et malédiction, le nom du terroriste y figure bel et bien. Il se trouve que le parti Groen Links (quelque chose comme « Vert et de Gauche ») avait placé ce Marocain d’à peine 20 ans en cinquième place sur la liste de ses candidats aux élections législatives. Et comme Groen Links a gagné six sièges, le dénommé Tawfiq a droit au fauteuil, au salaire, à la secrétaire, à l’assistant parlementaire, aux bons de buvette et aux transports publics gratis.
Tête des huissiers. On lit dans leurs yeux des considérations affolées sur le déclin du pays, les signes de l’Heure et la fin du monde. Leur chef se reprend et demande à Tawfiq une pièce d’identité : c’est la règle pour pénétrer dans l’enceinte sacrée, fût-on reine ou papesse. Tawfiq a oublié de se munir de ses documents. Il a tout juste une carte d’abonnement à la vidéothèque « Kung Fu Express » de son quartier.
On lui explique qu’il faut une cravate pour entrer : le règlement l’exige. Tawfiq n’a jamais mis de cravate de sa vie. Ce n’est pas maintenant qu’il est élu du peuple qu’il va changer ses habitudes vestimentaires. Et il menace les huissiers d’un projet de loi les envoyant tous en prison.
On lui fait remarquer qu’il a une heure de retard et que la séance solennelle a déjà commencé. Il répond : mieux vaut tard que jamais. Nous, on attend le retour de la démocratie depuis l’élection de Othman au califat de Médine.
Finalement, les choses se sont arrangées. L’un des huissiers a dégoté quelque part une cravate pour Tawfiq, un videur lui a prêté sa veste, on a accepté « Kung Fu Express » comme garant de son identité et il a pu prêter serment avec une heure de retard.
On peut lire cette histoire de deux façons : l’une consiste à déplorer que les Barbares sont parmi nous et qu’ils se sont même introduits au Parlement. L’autre, plus optimiste, c’est qu’un enfant du Maghreb introduit une note bienvenue de fantaisie dans les lieux augustes mais un peu austères où se construit la démocratie. Faites votre choix

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