Jusqu’à quand ?

Publié le 14 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

Voilà tout juste cinq ans que les vingt premiers prisonniers capturés dans le cadre de l’opération « Liberté immuable » en Afghanistan ont débarqué pieds et poings liés sur la base navale américaine de Guantánamo, à Cuba. Au début, ils ont été parqués dans de simples cages. Aujourd’hui, le « Camp Delta » ressemble à une prison de haute sécurité. Le Pentagone entend y maintenir certains d’entre eux en détention, sans jugement, jusqu’au terme de la « guerre contre le terrorisme ». Autant dire qu’ils ne sont pas au bout de leurs souffrances
Depuis le 11 janvier 2002, 775 personnes originaires de 45 pays ont été emprisonnées à Guantánamo. Parmi elles, 17 mineurs. Seuls 8 % sont considérés comme des combattants d’al-Qaïda. À la fin de novembre 2006, 345 prisonniers ont été rapatriés – et, le plus souvent, libérés – dans leurs pays respectifs. À ce jour, aucun de ces « combattants ennemis » n’a été condamné. Seuls dix ont été mis en accusation et doivent être jugés par des commissions militaires d’abord déclarées illégales par la Cour suprême des États-Unis, puis légalisées par le Congrès le 28 septembre dernier. Les autorités américaines envisagent de traduire devant des tribunaux militaires d’exception entre 60 et 80 prisonniers, pas davantage. Elles n’ont jamais rendu publiques que des informations fort imprécises concernant le nombre, l’identité et la nationalité des détenus, sans parler des charges éventuellement retenues contre eux. « Secret défense », bien sûr.
Aux dernières nouvelles, 430 personnes représentant quelque 35 nationalités (Afghans, Yéménites et Saoudiens sont les plus nombreux) restaient incarcérées au Camp Delta. Seules 5 % ont été arrêtées par les Américains. 86 % l’ont été par l’armée pakistanaise ou les forces de l’Alliance du Nord, en Afghanistan, et les autres par des chasseurs de primes.
Les conditions de détention sont tellement insupportables et la torture à ce point systématique que 200 prisonniers ont participé à des grèves de la faim. Pour les amener à résipiscence, les militaires américains ont eu recours à de très douloureuses techniques d’alimentation forcée. En septembre, quatorze terroristes présumés ont été transférés à Guantánamo après avoir été kidnappés, puis détenus secrètement par la CIA pendant parfois plus de quatre ans (voir J.A. n° 2394).
La récente prise de contrôle du Congrès par les démocrates aura-t-elle des répercussions à Guantánamo ? Rien n’est moins sûr. Les anciens présidents Bill Clinton et Jimmy Carter ont certes appelé à la fermeture du camp, mais leur parti n’a pas pris officiellement position. Les appels de la chancelière allemande Angela Merkel et du Premier ministre britannique Tony Blair, pour ne citer qu’eux, n’ont pas eu plus de succès. Ban Ki-moon, le nouveau secrétaire général de l’ONU, devait rencontrer le président Bush cette semaine à Washington. Lui aussi s’est prononcé en faveur de la fermeture. Amnesty International a pour sa part lancé une campagne mondiale qui a obtenu l’adhésion de plus de 93 000 personnes. Le 11 janvier, des manifestations ont eu lieu dans une vingtaine de capitales, notamment Washington, Londres, Paris, Madrid, Tunis, La Havane et Tel-Aviv.
Insensibles à toutes les pressions, les autorités américaines projettent de construire cette année à Guantánamo des salles d’audience, des logements et divers autres équipements. L’entretien de la base coûte 95 millions de dollars par an au contribuable américain. Une véritable petite ville de 8 000 habitants, avec commerces et écoles, s’est peu à peu développée alentour.

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