Dividendes africains

Malgré un environnement difficile, les sociétés françaises implantées sur le continent se portent bien. Et affichent leur optimisme.

Publié le 14 janvier 2007 Lecture : 4 minutes.

Le continent n’est pas à un paradoxe près. Plus de 300 millions de personnes vivent dans la pauvreté et ne peuvent accéder aux produits de consommation. Le délabrement des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires pénalise le commerce. La corruption plombe l’environnement des affaires Et pourtant, les entreprises qui y opèrent, nationales ou étrangères, se portent bien. Très bien même pour certaines. Celles battant pavillon français ne font pas exception. C’est en tout cas ce qui ressort du rapport 2007 du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), qui regroupe une centaine de sociétés et un réseau de 1 500 filiales représentant près de 80 % de l’activité économique tricolore sur le continent.
Au Maghreb, 80 % des entreprises interrogées prévoient une progression de leur chiffre d’affaires en 2007 et 75 % d’entre elles s’attendent à être bénéficiaires. La proximité avec le marché européen, le développement du secteur touristique et la hausse des hydrocarbures sont autant d’atouts que les opérateurs ont su bonifier. Malgré les effets de la crise ivoirienne, 54 % des sociétés installées en Afrique de l’Ouest affichent un optimisme de bon aloi : elles devraient enregistrer des résultats positifs sur la même année. Plus de 40 % d’entre elles prévoient même une augmentation de leurs investissements. En Afrique centrale, le pétrole a joué à plein. En 2005, 38 % seulement des opérateurs français pronostiquaient une progression de leurs activités. Ce chiffre est passé à 59 %, tandis que les investissements sont en hausse constante. Quant à l’Afrique australe, son dynamisme se confirme, notamment dans des pays caractérisés par l’apparition progressive d’une classe moyenne et l’émergence d’un tissu industriel. Les autorités consentent par ailleurs de gros efforts pour la mise à niveau de leurs infrastructures. L’Afrique et le monde des affaires peuvent donc faire bon ménage.
« Les sociétés gagnent de l’argent même dans des situations difficiles, car elles savent s’adapter », explique Anthony Bouthelier, président délégué du Cian. « Les marchés africains sont étroits et les acteurs surtout institutionnels, précise Alain Viry, PDG du groupe CFAO, mais on peut faire du business comme ailleurs. Les entreprises sont très mobiles, opportunistes, et ont intégré ces règles du jeu spécifiques. » Même si les maisons mères refusent le plus souvent d’afficher leurs résultats par zone géographique, les investisseurs « africains » savent se montrer performants. À preuve, ils restent, malgré les nouvelles sollicitations asiatiques ou européennes. « Au-delà du concert des lamentations trop souvent entendu, l’Afrique demeure attractive. On ressent même actuellement un certain frémissement. Après s’être retirées, certaines sociétés s’interrogent et envisagent de revenir. La morosité consécutive au déclenchement de la crise ivoirienne est derrière nous », tranche Bouthelier. En ligne de mire, notamment, la téléphonie, l’énergie, le transport, la banque et les matières premières.
Globalement, avec une croissance supérieure à 5 % en moyenne depuis 2004 et une inflation maîtrisée, le continent a bénéficié de l’expansion de l’économie mondiale et a profité de la flambée des cours du brut. Les pays producteurs ont engrangé cette manne providentielle, et les autres activités ont profité d’un phénomène d’entraînement. Pour les pays importateurs, les réformes structurelles en cours, la réduction des dépenses publiques, le maintien des équilibres macroéconomiques, ainsi que les bonnes récoltes agricoles sur la campagne 2005-2006 ont permis de réduire le contrecoup de la facture pétrolière. Dans un contexte d’annulation de la dette et d’augmentation de l’aide au développement, la conjoncture est favorable et offre l’opportunité d’axer les politiques publiques vers un véritable soutien du secteur privé, le seul pouvant à terme créer des emplois et de la richesse.
Hormis en Afrique du Nord et dans la zone australe, l’état des routes et des réseaux ferroviaires « se détériore et ne répond plus aux besoins de la clientèle », affirme le Cian. Toujours selon l’organisation, les fraudes douanières augmentent et la corruption s’intensifie en Afrique centrale. Au Maghreb, les délais de paiement sont longs, et le secteur informel en progression. L’insécurité « inquiète » en Afrique australe. Enfin, les coûts de production sont en augmentation en Afrique de l’Ouest. « Si l’environnement des affaires était plus favorable, les investissements seraient plus conséquents et le secteur privé plus offensif », assure Bouthelier, qui demande avant tout une sécurité juridique, une meilleure visibilité des contrats et le respect de la parole donnée. « Les choses s’améliorent grâce à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires [Ohada] », nuance Alexandre Vilgrain, PDG du groupe Somdiaa (sucre, farine, alimentation de bétail) opérant exclusivement en Afrique centrale.
Quant à l’instabilité politique et institutionnelle, elle a des effets immédiats sur les carnets de commandes, surtout lorsqu’elle s’accompagne de pillages et de destruction des installations. Résultat : c’est toute l’activité qui tourne ensuite au ralenti. Dans un tel contexte, incertain et potentiellement dangereux, l’entrepreneur se transforme alors en gestionnaire de risque. Si celui-ci est élevé, les retours rapides sur investissements sont forcément privilégiés au détriment des marchés à long terme. L’Afrique a une fâcheuse tendance à vivre au jour le jour.

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