Assassinat de Lumumba

Publié le 14 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Le 17 janvier 1961, il est 16 h 50 à Élisabethville, capitale du Katanga. Le DC-4 d’Air Congo immatriculé 00-CBI en provenance de Moanda, sur la côte atlantique, descend sur l’aéroport de Luano et s’immobilise sur la zone militaire. Sur le tarmac : des éléments de la gendarmerie katangaise et leurs encadreurs belges. Mais aussi quelques ministres du Katanga en pleine sécession, dont celui de l’Intérieur, Godefroid Munongo, et, plus loin, une unité de Casques bleus suédois.

Trois hommes, mal en point, attachés par une corde, sont poussés sans ménagement hors de l’appareil. La foule et les officiels s’excitent en reconnaissant Patrice Emery Lumumba, Premier ministre du Congo jusqu’au 5 septembre 1960, et ses deux compagnons, Joseph Okito, ex-vice-président du Sénat, et Maurice Mpolo, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports. En guise d’accueil, les trois prisonniers, traités sans le moindre égard, essuient injures, coups de poing et de crosses de fusils. Et sont jetés dans une Jeep. Un cortège hautement sécurisé s’ébranle en direction d’un lieu sûr, en l’occurrence une maison appartenant à un colon belge. Moïse Kapenda Tshombe, président du Katanga et ennemi juré de Lumumba, arrive sur les lieux vers 18 h 45.
À 22 heures, un convoi quitte le lieu de détention. Tshombe en personne est du voyage. Quarante-cinq minutes et cinquante kilomètres plus tard, il s’arrête à Mwadingusha. Le commissaire de police belge, Frans Verscheure, fait descendre les trois prisonniers de sa voiture et les conduit devant le peloton d’exécution. Placé devant un arbre, Okito est le premier à être fusillé. Puis vient Mpolo et, enfin, Lumumba. Leurs corps sont jetés dans une fosse commune. Il est 23 heures. L’exécution, dirigée par Julien Gat, s’est déroulée en présence de Tshombe et de ses collaborateurs. Le 21 janvier, les trois corps sont déterrés. Deux Belges assistés par des Katangais les découpent en morceaux avant de les jeter dans un fût rempli d’acide sulfurique. Ce que l’acide ne peut dissoudre est brûlé. Les cendres sont ensuite dispersées.

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Le crime du Katanga est l’aboutissement d’une crise née le 30 juin 1960. Ce jour-là, le Congo accède à l’indépendance. À Léopoldville, Baudouin Ier, roi des Belges, prononce un discours que les Congolais jugent infantilisant. Lumumba, faisant fi du protocole, énonce dans le sien toutes les humiliations subies durant la colonisation. La Belgique et son roi, choqués, mettent tout en uvre pour que ce crime de lèse-majesté ne reste pas impuni. Le jeune chef du gouvernement au nationalisme ombrageux devient l’ennemi numéro un. Moins d’une semaine plus tard, la Force publique se mutine. Les Belges, sous prétexte de protéger leurs ressortissants, interviennent militairement. Lumumba s’adresse à l’ONU. Elle envoie des Casques bleus, mais son secrétaire général, Dag Hammarskjöld, ne cache pas son hostilité envers le Premier ministre. Le 10 juillet 1960, les Belges poussent Tshombe à proclamer la sécession de sa riche province minière du Katanga pour préserver leurs énormes intérêts.

Tout est bon pour affaiblir Lumumba. Pour l’Occident, en particulier la Belgique et les États-Unis, il représente un danger en cette période de guerre froide. D’où le projet de l’éliminer. La CIA et les services belges y travaillent. L’élimination se déroule en plusieurs étapes. Le 5 septembre, le président Joseph Kasa-Vubu, cédant aux pressions belges et américaines, limoge Lumumba. Qui refuse de partir. Le 14 septembre, le colonel Joseph Mobutu, chef d’état-major de l’armée, entre en scène en annonçant la « neutralisation » des deux têtes de l’exécutif. Le but est clair : isoler Lumumba et l’écarter définitivement du pouvoir. Placé en résidence surveillée dès le 10 octobre, le leader du Mouvement national congolais (MNC) s’échappe de Léopoldville le 28 novembre. Il veut rallier Stanleyville, son fief de la province Orientale, où Antoine Gizenga, ancien vice-Premier ministre, a décidé d’installer le gouvernement déchu. Une perspective redoutée par les Belges, l’ONU, les Américains
Le 2 décembre, Lumumba est finalement arrêté à Lodi, dans le Kasaï. L’éliminer au plus vite devient une obsession. Bruxelles remue ciel et terre pour y arriver. À Léopoldville, Kasa-Vubu et Mobutu s’inclinent. Ils l’envoient à Tshombe. La volonté belge est faite.

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