Une idée nouvelle ?

Publié le 13 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Selon Armand Mattelart, universitaire spécialiste des questions de communication, la notion de société globale de l’information est une construction géopolitique. Cette approche repose sur l’antagonisme Est-Ouest que suscita la doctrine du libre flux de l’information après la Seconde Guerre mondiale.
Ce clivage Est-Ouest par rapport à l’information s’est mué, dans les années 1970, en tension Nord-Sud. Dans la foulée des indépendances, les pays du Tiers Monde ont revendiqué leur place dans l’environnement international, tant sur le plan économique (mise en avant du Nouvel Ordre économique international), que dans le domaine de l’information (Nouvel Ordre mondial de l’information et de la communication).
Pour mieux élucider le second concept, Moktar M’Bow, alors directeur général de l’Unesco, a créé en 1977 une commission internationale de l’information (CIC), composée de seize experts et présidée par le journaliste irlandais Sean Mac Bride. Après trois ans de travail, celle-ci a présenté un rapport contesté, mais qui mériterait d’être réhabilité, vu son caractère prémonitoire. En effet, les principes de la société de l’information tels qu’ils sont définis dans la Déclaration de principes et le Plan d’action du SMSI (2003-2005) reprennent quasiment à la lettre ses recommandations.

1. La révolution de l’information
Les auteurs du rapport avaient pressenti l’importance de l’informatique : « La révolution de l’information offre un apport fondamental pour le développement. Les stratégies de développement devraient incorporer des politiques de communication conformes au diagnostic des besoins et aux priorités retenues. Toutes les nations seront amenées à faire des choix difficiles dans les priorités d’investissement. Il est de la plus haute importance que les écarts qui subsistent dans ce domaine soient rapidement réduits ; d’où le besoin de soutenir le développement des pays les moins avancés en communication. »
2. Démocratiser la communication
La commission Mac Bride avait pointé un déficit au niveau de la démocratisation de l’information, prolongeant l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Il est impératif que le développement des nouveaux moyens de communication soit en faveur de l’épanouissement de l’être humain et de chaque groupe tout en restant en harmonie avec la globalisation qu’entraîne le développement permanent des communications. Il faut donc agir pour créer une harmonie entre les législations internes et le droit international et favoriser la démocratisation de l’information. Les droits de l’homme ne sauraient exister en dehors de la liberté de la parole, de la presse, de l’information et de réunion. »
3. Les mêmes partenaires
Le rôle de la société civile dans ce processus n’est pas nouveau. Déjà, la CIC recommandait d’associer les organisations professionnelles au développement de l’information. En 1979, au siège de l’Unesco, plus de 90 ONG avaient participé à l’organisation d’un colloque sur le droit à la communication. Objectifs : accroître les moyens mis en oeuvre et agir pour que les nouveaux médias ne soient pas réservés aux plus puissants ou accaparés par eux ; mobiliser l’opinion publique afin d’assurer ce droit, dénommé « droit à communiquer » pour mieux marquer son caractère concret, puisqu’il s’applique à des individus, des groupes, des peuples et des États.
4. Les mêmes mécanismes de financement
À cet effet, le rapport de la CIC envisageait la création d’un fonds international. Un an plus tard, une conférence intergouvernementale (Devcom) était organisée, sur proposition de la commission, et décidait, en 1980, la création d’un Programme international pour le développement de la communication (PIDC). Toutes ces propositions lancées par les représentants associatifs d’alors sont reprises par la société civile vingt-cinq ans plus tard. Faut-il en conclure que le rapport de la CIC, si contesté par les nostalgiques du monopole, serait en passe d’être réhabilité ? En tout cas, aujourd’hui, les bâtisseurs de la société de l’information le considèrent comme un véritable point de repère.

la suite après cette publicité

* Membre de la Commission internationale de l’information (CIC) ; président de l’Association tunisienne de communication (Atucom) ; coordinateur de Caucus Subrégional arabe pour la société civile au SMSI.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires