Marque déposée

Pour rentabiliser son image, le club de foot le plus prestigieux de la planète ne recule devant rien, pas même le merchandising le plus forcené.

Publié le 13 novembre 2005 Lecture : 5 minutes.

Cette saison, pendant qu’ils joueront, les multimillionnaires « galactiques » du Real Madrid – Zidane, Beckham, Ronaldo… – seront en même temps à l’affiche de pas moins de quatre longs-métrages et de deux nouvelles chaînes d’information en continu, en anglais et en espagnol. On attend également pour bientôt des dessins animés dans le style mangas, un Muppets’ Show télévisé, des clips pour téléphones mobiles, des jeux vidéos, un podcast(*), et, peut-être, un parc d’attraction thématique à Madrid et un autre à Miami. « Entre nous, on parle de cathédrale multimédia pour qualifier notre projet », explique Michael Novack, ancien journaliste espagnol, qui dirige aujourd’hui les relations presse du Real. Les responsables du club évoquent avec une ferveur religieuse leurs efforts pour dénicher des fans au-delà du stade Santiago Bernabeu et ses 80 000 places.
Le Real Madrid, désormais l’équipe de football la plus riche du monde (devant Manchester United), avec des recettes de 275,5 millions d’euros en 2004-2005, est le club le plus déterminé dans sa politique de développement à l’étranger. Son avantage sur d’autres formations sportives aussi riches que lui, comme les New York Yankees, c’est que le football est plus international que le base-ball, dont le coeur d’audience est concentré en Amérique du Nord et sur les rives du Pacifique.
« À mesure que la croissance des droits télévisés du football ralentissait en Europe, beaucoup de clubs ont étudié la possibilité de développer leur marque sur les autres continents pour tenter de générer de nouvelles sources de profit, explique Paul Rawnsley, consultant au sein du cabinet Deloitte. L’idée s’est développée dans le monde entier que les grandes marques du football avaient un pouvoir considérable et pouvaient rapporter de l’or. Les clubs européens ont donc visé les marchés de l’Extrême-Orient, de la Chine et des États-Unis. »
Le mois dernier, le Real Madrid a pris, pour la première fois, un stand au Mipcom de Cannes – le marché international des programmes de télévision – pour rechercher des alliances avec les opérateurs du câble et du satellite en vue de diffuser la chaîne d’information en continu du club. Des ballons de football miniatures jonchaient le sol du stand, et des DVD étaient offerts, qui présentaient non pas les matches de légende du Real, neuf fois champion d’Europe – un record ! -, mais les programmes phares de la chaîne. Cette année, le club a assuré sa qualification pour la deuxième phase de la très lucrative Ligue des champions. Mais il cherche surtout à éviter une troisième saison consécutive sans trophée.
Les nouvelles chaînes du Real, une en espagnol et une autre en anglais, ont débauché des journalistes de la BBC, de CNBC et de MTV. La direction du club a l’intention de les envoyer couvrir l’actualité des « galactiques » sous les couleurs de leurs nations respectives lors de la Coupe du monde 2006, en Allemagne.
Une première version de Real Madrid TV, lancée en 1999 par abonnement sur le câble, n’a réussi à séduire que 65 000 clients. En février dernier, la version espagnole de la chaîne est devenue gratuite, et sa version anglaise a commencé à émettre en juillet. Les responsables du club affirment ne pas pouvoir encore donner d’indications quant à l’audience. Real Madrid TV est d’ores et déjà relayée par sept stations satellites, couvrant l’Asie, l’Europe, les États-Unis et le Moyen-Orient. D’après Novack, la chaîne s’apprête à conclure des accords avec des opérateurs de télévision câblée aux États-Unis. À ce jour, le club n’a pas dévoilé la somme qu’il a dépensée pour bâtir cet empire médiatique naissant. Ce qui est sûr, c’est que ses deux chaînes de télévision perdent de l’argent.
La situation comptable du club pour le dernier exercice (l’année fiscale s’est terminée en juin 2005) illustre l’importance cruciale du business par rapport à la vérité du terrain. Les recettes issues du merchandising et des contrats de sponsoring ont triplé en un an, atteignant 116,8 millions d’euros. Ces recettes représentent à elles seules plus de 42 % des rentrées d’argent du club, loin devant la vente de billets (70,8 millions d’euros) et les droits télévisés (65 millions d’euros). À l’intérieur de ce nouveau poste de profits, le développement international et les nouvelles technologies ont rapporté 16,8 millions d’euros au club, qui a enregistré, en 2005, un bénéfice avant impôt de 8,05 millions d’euros.
Pour promouvoir la marque Real Madrid, le président du club, Florentino Perez, a activement encouragé la production de films impliquant son équipe. Le club a coproduit le premier des quatre films, Real : le film, dont la première a été projetée en août au stade Santiago Bernabeu en présence des joueurs. Le film, qui suit cinq fans de football de New York au Japon, est un mélange de faits réels et de fiction. La vente des billets a toutefois été décevante dans la région des « Merengues » (les Meringues), comme on surnomme les joueurs du Real [leur maillot est blanc, NDLR], et certains critiques ont écorné le film en parlant de lui comme d’une lettre d’amour à l’équipe ou encore d’un spot publicitaire. Malgré tout, le film est maintenant à l’affiche en Asie. « Qu’est-ce que le public attendait ? C’est de la communication stratégique », a commenté Novack, qui ajoute que l’équipe était satisfaite des résultats à ce jour, car elle en avait déjà récolté les fruits sur le plan de l’image et attendait plus de recettes encore de la vente de DVD. Et Novack de préciser que le Real va organiser, à une date qui n’a pas encore été fixée, une première à Washington pour pousser la marque aux États-Unis.
En avril, l’artiste écossais Douglas Gordon et le Français Philippe Parreno ont installé quinze caméras de surveillance de l’armée américaine, qui peuvent grossir les images jusqu’à trois cents fois, autour du stade de Madrid, braquant leurs puissants objectifs sur Zinedine Zidane. Ce film de quatre-vingt-dix minutes, provisoirement baptisé Zidane : un portrait du XXIe siècle, pourrait aider le Real de Madrid à toucher rapidement un public difficile à cerner parmi les 93 millions de personnes auxquelles une étude de Harvard attribue des sympathies pour le club madrilène. « Ce film sur Zidane sera montré dans les musées, assure Novack. C’est de l’art. »

* Moyen de diffusion de fichiers sonores sur Internet.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires