Pendant les élections, la misère continue

Publié le 13 août 2007 Lecture : 3 minutes.

«C’est, pour ce pays, une occasion en or d’en finir une fois pour toutes avec les conflits. » Pour Carolyn Norris, responsable d’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique de l’Ouest, les élections générales qui devaient se tenir le 11 août en Sierra Leone sont symboliques à plus d’un titre. D’abord, parce qu’elles constituent la première consultation de ce niveau depuis la fin de la guerre civile (1991-2002). Ensuite, parce qu’elles devraient déboucher, comme au Nigeria au mois d’avril, sur le premier passage de témoin entre deux régimes civils, la Constitution interdisant au président Ahmad Tejan Kabbah de se représenter.
Pourtant, le scrutin risque de ne pas être une promenade de santé. Chantages, agressions, pressions sur les candidats et les militants ont en effet émaillé la campagne, au point, selon Victor da Silva Angelo, le directeur du Bureau intégré des Nations unies en Sierra Leone (Binusil), de « menacer le processus démocratique ». Dans le district de Pujehun (Sud), épicentre des rivalités entre les deux principales formations, le Congrès pour tout le peuple (APC, opposition) et le Parti du peuple sierra-léonais (SLPP, au pouvoir), une centaine de maisons ont été incendiées. Début juillet, Ernest Koroma, le candidat de l’APC, a même échappé, de justesse, à un attentat. L’ensemble des forces de police ont été mobilisées. L’armée a, quant à elle, reçu l’ordre de sécuriser les cibles potentielles d’un coup de force.
Les 5,5 millions de Sierra-Léonais continuent de vivre dans des conditions extrêmement difficiles. Le président sortant s’est montré incapable de réduire le chômage et la pauvreté, tandis que la corruption proliférait. Du coup, le pays risque à tout moment de basculer à nouveau dans l’instabilité. « La Sierra Leone reste fragile, la paix n’y est pas consolidée », résume l’ICG dans un rapport publié le mois dernier.
Pourtant, Tejan Kabbah a réussi la transition post-conflit. Il a obtenu le soutien du Fonds monétaire international et, en 2002, a mis en place une Commission Vérité et Réconciliation (CVR) sur le modèle sud-africain. Un Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) a été créé, la même année, pour juger les criminels de guerre. Mais plus de 85 % des jeunes sont sans emploi et, en dépit d’une croissance de 7 % en moyenne, depuis 2000, le pays occupe l’avant-dernière place dans le classement annuel du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). L’espérance de vie de la population est la plus faible du monde : 41 ans.
Selon toute vraisemblance, le vainqueur de la consultation ne devrait l’emporter que d’une courte tête. Bien que favori, le vice-président Solomon Berewa, 68 ans, candidat du SLPP, est loin d’être assuré de mobiliser largement son électorat virtuel. Bras droit du président sortant et pur produit du système, il est attaqué à la fois sur son âge et sur son manque de charisme.
Ernest Koroma, de l’APC, n’est guère mieux loti. L’ancien parti unique a, certes, remporté les élections locales de 2004, mais il est éclaboussé par plusieurs scandales et ne parvient pas à se dissocier de la longue (1967-1985) et très autocratique présidence de Siaka Stevens, son ancien chef.
Créé en janvier 2006 par Charles Margai, un ex-cacique du SLPP en rupture de ban, le Mouvement du peuple pour le changement démocratique (PMDC) peut-il arbitrer ce duel en sa faveur ? Seule certitude, il a bénéficié de nombreux et importants ralliements, notamment dans une frange de l’armée. Margai est peut-être l’homme qui mettra fin au traditionnel bipartisme en Sierra Leone.

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