Mobilisation berbère

Le régime reste obstinément réfractaire à toute espèce de revendication identitaire.

Publié le 13 août 2007 Lecture : 3 minutes.

Le 2 mars, dans son discours à la nation, Mouammar Kadhafi a provoqué une vive émotion chez les Amazighs de Libye. Sans crainte de réécrire l’Histoire, il a froidement déclaré que « les tribus amazighs se sont éteintes il y a longtemps, depuis le temps du royaume de Numidie. [] Personne n’a le droit de dire je viens d’ici ou de là, mes origines sont ici ou là-bas. Celui qui le fait est un agent du colonialisme, qui veut diviser pour régner. [] Quiconque instille le poison du colonialisme sera anéanti, lui et ses idées. » « Nous prenons ce discours très au sérieux », commente Madghis Madi (34 ans), un Berbère exilé au Maroc.
C’est justement à Meknès, l’ancienne capitale chérifienne, que, du 20 au 22 juillet, se sont réunis dans la plus grande discrétion un certain nombre d’activistes venus de Libye et de la diaspora (France, Pays-Bas, Suisse, Maroc, Mali). La réunion était organisée par Tamount n Imazighen n Libya (TIL), un mouvement créé l’an dernier par une trentaine de leaders d’associations et de simples militants. La moitié des participants étaient des familiers des geôles de la Jamahiriya. Plusieurs personnalités ont pris la parole : des conférenciers de renom comme Hassan Balkassm ou Uzzin Aherdhane, mais aussi le Libyen Fadel Messoudi, ancien rédacteur en chef du journal El Maidan, en exil en Suisse depuis 1969, ou Magdi Azawad, un combattant de la cause touarègue.

La réalité des Berbères libyens est mal connue. Ils sont un peu plus de 300 000 sur une population totale de 5,7 millions d’habitants. Officiellement, ils vivent dans le Nefussa, près de la frontière tunisienne, mais il faut y ajouter les habitants de Zwara (littoral), de Ghadamès, Jalu, Ubari et Ghat (sud). La communauté vivant en bonne entente avec le reste de la population, les mariages mixtes ne sont pas rares. Mais le régime reste totalement hermétique à tout discours identitaire.

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« Dans les livres d’histoire, on ne trouve aucune trace de noms ou d’événements liés aux Amazighs. Faute d’infrastructures de qualité et d’emplois, les montagnes sont peu à peu désertées », explique un participant. « Le nom des villages est modifié », s’insurge un autre. En dépit d’une jurisprudence favorable et des promesses de Seif el-Islam Kadhafi, « on nous interdit de donner des prénoms amazighs à nos enfants », renchérit un troisième. Le tamazight n’est pas enseigné à l’école, alors que le haoussa ou l’hébreu le sont à l’université.
À Zwara, le gouvernement veut récupérer des terres pour construire une zone franche chapeautée par Saadi Kadhafi, l’un des fils du « Guide ». Les habitants, qui ont déjà connu des expropriations lors de l’édification d’un vaste complexe gazier, sont inquiets. Dans les montagnes du Nefussa, certains restaurent, à leurs frais, d’anciennes villas, voire de très vieilles églises : ils sont alors harcelés par les autorités sur l’origine de leurs fonds.
« Nous ne voulons pas le pouvoir, mais demandons simplement à être reconnus, en nous appuyant sur le droit international », indique Madghis Madi. Le Conseil économique et social de l’ONU organise régulièrement des conférences sur la question des peuples autochtones. Le 27 novembre, la Libye sera à l’honneur. « Nous présenterons à Genève un dossier en béton sur les terres qui nous ont été confisquées et citerons les déclarations de Kadhafi. Il y aura des représentants du gouvernement et nous parlerons avec eux, même si nous aurions préféré le faire en Libye. » « Ils tentent de faire croire à la population que notre intention est de faire venir des troupes étrangères, comme en Irak. Il nous faut faire un gros travail d’explication », insiste Fathi Ben Halifa, du Libyan Working Group au Maroc.
En attendant, le groupe a constitué une bibliothèque de plus de 5 000 ouvrages, dont un bon millier de manuscrits provenant du Nefussa et, à l’initiative de Madghis Madi, a créé son site Internet, en 1999 (tawalt.com). « Nous photocopions des thèses dans les universités, enregistrons le patrimoine oral de notre région, découpons des milliers d’articles de presse et ?les publions sur notre site, qui enregistre aujourd’hui 6 000 connexions ?par jour », révèle Madghis. « Tawalt supplée à l’absence de médias en Libye », résume Massinissa Kabawn, le rédacteur en chef du site, en exil aux Pays-Bas.

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