L’insolence de l’ignorance

Publié le 13 août 2007 Lecture : 2 minutes.

Le nouveau chef de l’État français a choisi de véhiculer une vision éculée de l’Afrique et des Africains, qui remonte à la dogmatique raciste du XIXe siècle. Sarkozy recopie des pages entières de Hegel, Lévy-Bruhl, Leo Frobenius, Placide Tempels et autres inventeurs de « l’âme nègre » et construit sa « vérité » avec les copeaux de l’ethnophilosophie d’hier. Il se prévaut de Senghor pour accréditer ses thèses ethnobiologiques. Mais il fait semblant d’oublier qu’au moment où Césaire, Senghor et les autres lancent le mouvement de la négritude, l’humanité des Noirs est contestée. La lutte, à l’époque, est littéralement une lutte pour l’affirmation du droit à l’existence. Or, quand on se bat pour affirmer son droit d’exister, on a tendance à recourir à des figures fixes et binaires. Senghor ne s’en priva guère et s’inscrivant dans la continuité des discours les plus racistes de son époque, il déclara que l’émotion est nègre comme la raison est hellène.
Sarkozy fait semblant d’oublier que l’essentiel de sa réflexion philosophique a été largement réfuté, notamment par la génération des philosophes Marcien Towa et de Stanislas Adotevi.
Plus près de nous, la pensée contemporaine d’origine africaine n’a cessé de démontrer qu’il n’existe pas d’essence ou d’âme nègre comme il n’existe pas d’essence blanche. Édouard Glissant, Maryse Condé, Françoise Vergès, Raphaël Confiant et bien d’autres ont largement fait valoir qu’il n’y a pas d’identité fixe. Pour l’ensemble du nouveau roman africain de langue française, d’Alain Mabanckou à Kossi Efoui en passant par Abdourahman Waberi, Ken Bugul, Véronique Tadjo, Samy Tchak, Patrice Nganang et les autres, les identités ne peuvent être que des identités de relation et un pays qui filtrerait ses immigrants deviendrait aseptisé et improductif. Le cinéma africain, de Sembène Ousmane à Basseck ba Kobhio n’a cessé de montrer que l’identité fixe est source de mort culturelle.
Le projet néoconservateur français pour l’Afrique n’est pas une invitation à bâtir une société humaine, un langage commun, encore moins un monde commun. Ce projet n’est pas une invitation à faire ensemble l’expérience de la liberté. Il prétend s’adresser à l’élite africaine. En réalité, il ne cesse de faire des clins d’il à la frange la plus obscurantiste de l’électorat français – l’extrême droite, les colo-nostalgiques, tous ceux qui pensent que quatre ou cinq millions d’immigrés et de citoyens français d’origine noire et arabe menacent l’identité française.
Voilà pourquoi il faut s’y opposer avec intelligence et fermeté.

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