Lettres congolaises

Poètes, romanciers, dramaturges le pays compte un nombre considérable de grandes plumes au caractère bien trempé. Revue de détail.

Publié le 13 août 2007 Lecture : 3 minutes.

«Je suis en saison de parole. Si je ne parle pas, je meurs lentement du dedans. […] Quand je parle, je me contiens, je me cerne. » Ainsi s’exprime Chaïdana, la belle héroïne du premier roman du Congolais Sony Labou Tansi, La Vie et demie. Des propos que le Congo pourrait faire siens, tant le pays regorge d’écrivains, de musiciens et de magiciens de la parole. Comment ce territoire de 342 000 km2, peuplé d’à peine 3 millions d’habitants, a-t-il pu s’imposer comme l’un des plus importants pôles culturels du continent ?
Certains expliquent cette vitalité par le fort taux de scolarisation du pays. D’autres y voient l’influence du lingala, langue imagée et sensuelle s’il en est, qui n’a cessé d’inspirer nombre d’écrivains tel Alain Mabanckou, Prix Renaudot 2006 pour Mémoires de porc-épic. Mais la littérature congolaise, c’est surtout une longue tradition née de l’indépendance dont Tchicaya U Tam’Si et Sony Labou Tansi restent les deux figures emblématiques.
On peut affirmer sans exagération que Tchicaya est au Congo ce que Senghor est au Sénégal : poète pionnier qui a ouvert la voie à la modernité. « Le père de notre rêve », disait de lui son cadet Sony Labou Tansi. Auteur de sept recueils de poèmes (Le Mauvais Sang, Feu de brousse, À Triche-cur, etc.), de plusieurs pièces de théâtre (Le Bal de N’Dinga, Le Zulu, Le Destin glorieux du maréchal Nnikon Nniku, prince qu’on sort), de quatre romans (Les Cancrelats, Les Méduses, Les Phalènes, Ces Fruits si doux de l’arbre à pain) et d’un volume de nouvelles (La Main sèche), Tchicaya est venu à l’écriture par la révolte, révolte contre la colonisation, mais aussi contre l’Afrique complice, vénale, soumise à celui qui la viole. Le ton est donné dès Le Mauvais Sang (1955), un recueil de poésie, son premier, particulièrement virulent et âpre qui rompt avec la célébration de la négritude (« Je dansais quand le voleur est rentré chez moi/Est-ce raison de danser toujours sans raison »). Si Tchicaya explore le passé et le présent de son peuple, il n’oublie jamais que le poète s’inscrit également dans un temps mythique et qu’il doit tracer « un sillon pour décrire l’éternité ». Même travail de sape et de reconstruction dans ses romans qui puisent leur inspiration dans l’histoire du Moyen-Congo et frappent l’imagination par leur tonalité lyrique, rappelant que leur auteur est avant tout porte-parole de son peuple, comme le suggère d’ailleurs son pseudonyme, qui signifie « petite feuille qui parle pour son pays ».

« J’écris pour qu’il fasse peur en moi », aimait dire pour sa part Sony Labou Tansi, autre grand de la littérature congolaise et chef de file de la nouvelle génération des lettres africaines. Décédé prématurément en 1995, Sony a laissé derrière lui une uvre romanesque et théâtrale magistrale qui puise son inspiration aussi bien dans les traditions africaines que dans la littérature mondiale, notamment chez les Latino-Américains, et dans la verve satirique de l’Europe des Voltaire et des Jonathan Swift, l’auteur britannique des Voyages de Gulliver. Ses six romans (La Vie et demie, L’État honteux, L’Anté-peuple, Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez, Les Yeux du volcan, Le Commencement des douleurs) racontent, dans un langage truculent fait de détournements et de retournements du français normatif, l’histoire de l’Afrique contemporaine où fantômes et femmes aux mille attraits mènent une résistance contre des « guides providentiels » plus bouffons et sanguinaires les uns que les autres. Mais la véritable originalité de Sony se déploie plus particulièrement dans son théâtre ubuesque (Antoine m’a vendu son destin, Moi, veuve de l’empire, La Parenthèse de sang, etc.) où Shakespeare et Racine cohabitent avec Alfred Jarry et le matanga (le « deuil »). Le dramaturge, à la tête de la troupe Le Rocado Zulu Théâtre, était aussi un metteur en scène audacieux qui n’a jamais hésité à mettre la scénographie traditionnelle au service de l’absurde contemporain…

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Fils du fleuve et de la forêt, Sony était aussi de « Congolie ».

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