Le choc des titans

Grâce à la flambée du prix ?des matières premières, les majors enregistrent des résultats records et multiplient les acquisitions.

Publié le 13 août 2007 Lecture : 4 minutes.

Deux années de produit intérieur brut (PIB) ivoirien, soit 38,1 milliards de dollars. C’est le montant proposé, le 24 juillet, par le géant minier anglo-australien Rio Tinto pour racheter le canadien Alcan. L’opération, si elle aboutit, sera l’une des plus importantes transactions qu’ait connues le secteur minier, aujourd’hui en pleine ébullition, dopé notamment par la spectaculaire explosion de la demande asiatique – principalement chinoise – pour les matières premières. Gonflées à bloc par des bénéfices mirobolants, les majors du secteur se sont engagées dans une course aux acquisitions dont nul ne sait encore où elle s’arrêtera.
Dans un secteur déjà concentré – les cinq plus grandes sociétés minières mondiales produisent plus des deux tiers de la production totale -, les multinationales que sont BHP Billiton, Anglo American, Rio Tinto, Xstrata et Companhia Vale do Rio Doce (CVRD) ont multiplié les acquisitions au cours des dernières années. En avril, la brésilienne CVRD a annoncé avoir acheté, pour 665 millions de dollars, l’australien AMCI, spécialisé dans le charbon. En 2006, elle avait déjà finalisé l’acquisition du géant canadien du nickel Inco, pour 17,7 milliards de dollars. La même année, le canadien Falconbridge, convoité par l’américain Phelps Dodge, a été finalement racheté par Xstrata pour 21 milliards de dollars. La société suisse poursuit ses emplettes et a lancé, le 7 août, une offre de 1 milliard de dollars sur le sud-africain Eland Platinum. Quant à Phelps Dodge, il est finalement tombé dans l’escarcelle de son compatriote Freeport-McMoRan (FCX) pour environ 25 milliards de dollars. L’ensemble est devenu le deuxième producteur de cuivre derrière le chilien Codelco.

Pourquoi toutes ces acquisitions à coups de milliards ? Réalisme économique oblige, les géants miniers savent que leur développement passe avant tout par une croissance externe plutôt que par une augmentation de la productivité forcément limitée pour des raisons techniques. L’autre marge de progression repose sur la découverte de nouveaux gisements, mais leur exploration reste très coûteuse.
Dans cette course à l’économie d’échelle, les majors craignent de devenir les victimes de raids lancés par leurs principaux concurrents, toujours prêts à utiliser des bénéfices records. Publiée en juin 2007, la dernière étude du cabinet PricewaterhouseCoopers établit la liste des quarante premières compagnies minières. Depuis 2003, elle a beaucoup changé. Un tiers des sociétés ne sont plus présentes, de nouveaux noms sont apparus au gré des opérations de fusion mais, surtout, leur valeur a énormément progressé. « Le bénéfice net de chacun des quatre principaux groupes miniers en 2006 est plus haut que le bénéfice net agrégé des 40 principales compagnies en 2002 », commente le cabinet. En 2006, l’industrie minière a engrangé 67 milliards de dollars de bénéfices, soit une hausse de 64 % par rapport à l’année précédente. Le chiffre d’affaires cumulé de ces firmes a progressé de 37 % à 249 milliards de dollars. Celui de CVRD est passé de 4,1 milliards de dollars en 2002 à 20,3 milliards quatre ans plus tard. Depuis 2003, celui du numéro un mondial, BHP Billiton, est passé de 17,7 milliards de dollars à 39,1 milliards de dollars. Dans le même temps, celui de Rio Tinto augmentait de 115 %. Galvanisée par ces mégafusions, la capitalisation boursière des quarante géants miniers a explosé atteignant près de 1 000 milliards de dollars. Pour 2007, PricewaterhouseCoopers pronostique de nouveaux records financiers et la poursuite des opérations de fusion. Les acteurs établis cherchent à consolider leurs positions devant la concurrence grandissante des sociétés asiatiques.

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Un choc de titans auquel l’Afrique n’échappe pas. Historiquement très présent en Afrique du Sud, BHP Billiton reprend contact en RD Congo et a obtenu un permis d’exploitation de bauxite en Guinée. Rio Tinto, quant à lui, est présent en Afrique du Sud, en Namibie et au Zimbabwe dans l’extraction d’uranium, de cuivre, de diamants ou de titane. La major est également établie en Guinée sur le site ferreux de Simandou et à Madgascar (titane). Anglo American est implantée au Botswana et en Namibie (diamant), en Afrique du Sud (diamant, charbon et platine) et a ouvert un bureau à Kinshasa. Xstrata extrait du chrome et du charbon en Afrique du Sud et développe actuellement une mine de nickel à Kabanga, en Tanzanie, où le numéro un mondial aurifère, le canadien Barrick Gold, est également présent. Parmi les principaux concurrents de ce dernier, l’américain Newmont Mining est au Ghana et le sud-africain Anglogold Ashanti (filiale d’Anglo American) mène des opérations de premier plan au Ghana, au Mali, en Guinée, en Namibie, en Afrique du Sud et en Tanzanie.
Mais l’Afrique compte aussi plus d’une centaine de petites sociétés spécialisées dans l’exploration. Mopata Diamonds poursuit plusieurs gros projets d’exploration diamantifère au Gabon, au Botswana, en Namibie, au Lesotho, en Zambie et au Mozambique. Cotée à la Bourse de Londres, Zambezi Nickel se concentre sur des projets d’exploration dans le nickel en Zambie et, depuis l’année dernière, au Mozambique voisin. Dans l’or, Banro Corporation est active en RD Congo, les canadiennes Orezone Resources et High River au Burkina et l’australienne Mineral Deposits au Sénégal. Enfin, Mwana Africa effectue des prospections au Ghana, en RD Congo, au Zimbabwe et en Afrique du Sud. En mars 2006, cette société sud-africaine a créé la surprise en lançant officiellement une offre de reprise de la canadienne SouthernEra. L’agitation des « juniors » ne doit donc pas être sous-estimée. Les géants ont, semble-t-il, davantage à craindre de l’arrivée spectaculaire des chinois, qui, munis de leurs accords politico-économiques, ont déjà raflé de très gros projets miniers, au Gabon, en Guinée, au Niger ou en Zambie. Et bientôt ailleurs.

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