L’Afrique dans la ligne de mire

Avec 30 % des réserves mondiales de minerais, le continent intéresse ?vivement les grands groupes miniers. Toutefois les pays producteurs ?sont bien décidés à ne pas brader leur pactole géologique, afin que ce secteur devienne un moteur de leur économie. Les enchères montent !

Publié le 13 août 2007 Lecture : 4 minutes.

Le ralentissement était annoncé. Après trois années de flambée généralisée sur le marché des matières premières minières, les prix devaient connaître en 2006-2007 des hausses plus contenues. Il faut dire qu’après les envolées à deux chiffres nombre d’experts prévoyaient une inévitable accalmie, et ce malgré le déficit de l’offre qui persiste et la demande toujours pressante des grandes économies émergentes asiatiques, la Chine et l’Inde en tête. Au final, si certains prix sont restés modérés, d’autres ont poursuivi leur ascension vertigineuse. Dans la première catégorie figure notamment le platine, qui n’a progressé, entre juillet 2006 et juillet 2007, que de 1,5 %. Le prix de l’or n’a quant à lui augmenté « que » de 10 % contre 38 % sur la période précédente.
Les cours d’autres minerais ont, en revanche, poursuivi leurs courses haussières. C’est le cas du plomb, dont la valeur a plus que triplé sur les marchés en un an, mais aussi, dans une moindre mesure, du nickel ou de l’argent, dont les prix ont respectivement augmenté de près de 30 % et 20 % sur un an.
Au premier semestre 2007, le cobalt a atteint 30 dollars la livre, un niveau qu’il n’avait pas connu depuis trois ans. Parallèlement, les marchés ont été marqués par une forte volatilité. La tonne de cuivre, avant de remonter au-dessus des 8 000 dollars, était descendue à 5 225 dollars en février 2007. La tonne de nickel, avant de retomber à 33 000 dollars, s’était envolée à 54 100 dollars au mois de mai 2007. L’or est tombé en octobre 2006 autour de 560 dollars l’once, avant de frôler les 700 dollars six mois plus tard.

Tous ces minerais se trouvent en abondance en Afrique, qui possède 30 % des réserves minières mondiales. Ses gisements de platine, chrome, manganèse, cobalt, phosphate et or sont les plus importants de la planète. Le continent possède également des réserves de premier ordre en bauxite, uranium et diamant. La République démocratique du Congo (RDC) et l’Afrique du Sud sont respectivement les premiers producteurs mondiaux de cobalt et de platine. Selon la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, le cuivre représentait, en 2005, 57 % des exportations de la Zambie. Le continent est longtemps resté en retrait par rapport aux autres zones minières – le Canada et l’Australie notamment – faute d’investissements dans l’exploration, mais les choses tendent à évoluer. Principalement grâce aux entreprises minières sud-africaines, qui trouvent là un développement géographique logique, mais aussi aux sociétés canadiennes, particulièrement présentes en Afrique. Cependant, dans un secteur où les investissements initiaux sont à la fois lourds et risqués, la question du climat des affaires reste centrale. La RD Congo est à ce titre l’un des derniers pays à avoir adopté un code minier moderne, dans le but de rationaliser le secteur. Au final, la part de l’Afrique dans la production mondiale devrait fortement progresser au cours des années à venir. Premier métal concerné, le cuivre : selon le cabinet d’étude Bloomsbury Mineral Economics, l’offre en provenance d’Afrique devrait passer de 5 % à plus de 9 %, principalement grâce à la production venue de RD Congo et de Zambie.

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Reste à savoir quelles seront les conséquences d’une telle relance. Les codes miniers, notamment, doivent être à la fois capables d’attirer des investissements durables, mais aussi de veiller au respect des standards environnementaux et économiques. Dans les années 1980, et surtout 1990, l’adoption de codes miniers trop libéraux (voir « 3 questions à », p. 120) a fait apparaître ce dilemme : en accordant avantages fiscaux et exemptions de taxes, les pays africains attirent des investissements importants mais laissent également échapper une partie de la plus-value associée à l’exploitation minière. Il est logique, par conséquent, que de plus en plus de pays entendent renégocier ces contrats. C’est ce que fait notamment le Liberia, qui a modifié un accord de 1 milliard de dollars dans le minerai de fer avec le géant de l’acier ArcelorMittal. La Tanzanie, qui est devenue en quelques années l’un des premiers producteurs d’or en Afrique, en a fait de même. La Zambie a annoncé l’augmentation des droits payés par les nouveaux opérateurs ainsi que la renégociation de ceux payés par les anciens. La RD Congo a entamé, en juillet, la revue d’une soixantaine de contrats. La Guinée, premier exportateur mondial de bauxite, souhaite également modifier son code minier.

Cette volonté de rééquilibrer le partage des revenus issus des gisements n’est toutefois pas sans incidence sur l’activité. La puissante Afrique du Sud est confrontée à ce problème d’arbitrage entre séduction des investisseurs et retombées économiques. Selon une étude réalisée par le gouvernement, le pays aurait perdu chaque année 5 milliards de rands (environ 732 millions de dollars) d’investissements dans les mines. Parmi les raisons figurent notamment les pénuries d’infrastructures, les inconvénients à l’exportation d’une monnaie forte, le manque de travailleurs qualifiés, la difficile accessibilité des mines et les avantages accordés aux compagnies locales. Des professionnels ont également mis en cause, par le passé, la lenteur administrative pour la délivrance des permis.
Un autre enjeu réside dans la transformation locale des matières premières, qui pour la plupart quittent les terres africaines à l’état brut. Le Sénégal a ainsi annoncé, le 19 juillet, que l’investissement de 2,2 milliards de dollars d’ArcelorMittal pour exploiter le gisement de fer de Falémé impliquerait une transformation locale. Le groupe international parle plutôt d’approvisionnement en minerai brut de ses usines situées en Europe et en Asie. En clair, la plus-value minière sur le continent n’en est qu’à ses débuts. n

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