Al-Manar : résistance en chaîne

Publié le 13 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Son siège, un immeuble de cinq étages dans la banlieue sud de Beyrouth, a été totalement détruit, dès le 13 juillet, par des raids israéliens, mais Al-Manar continue d’émettre. « Notre diffusion ne s’est interrompue que deux minutes. Tout de suite le relais a été assuré, et lorsque l’antenne de Baalbek [100 km à l’est de Beyrouth] a été détruite, celle du Hermel, située 50 km plus loin, a pris la relève », explique Ibrahim Farhat, porte-parole de la chaîne et chargé des relations extérieures au sein du Hezbollah. La télévision Al-Manar serait-elle devenue le symbole de la résistance au Liban ?
Depuis le début de l’offensive de Tsahal, la chaîne du parti chiite a mis en veilleuse ses programmes pour se transformer en un redoutable outil de propagande au service exclusif de la guerre contre Israël. Le personnel est divisé en petites unités très mobiles, les journalistes et les cameramen se contactent via des portables ou Internet, tandis que le nouveau siège de la chaîne est tenu secret afin d’éviter de nouveaux raids de l’aviation israélienne. Évidemment, en ces temps de guerre, la programmation est complètement bouleversée. Exit les émissions de variétés, les jeux, les feuilletons et les spots publicitaires, la grille a été réaménagée pour faire place à l’info brute. Outre les bulletins d’information permanents et les reportages réalisés sur le terrain par des journalistes dévoués à la cause du parti, Al-Manar diffuse en boucle clips et images d’archives de combattants chiites sur le sentier de la guerre, en uniformes militaires, vaillants soldats partis défier l’ennemi israélien à l’intérieur de ses territoires pour y planter fièrement le fameux drapeau jaune du Hezbollah.
Lancée en 2000, Al-Manar avait été créée pour servir de bras médiatique au Hezbollah. Diffusée en Europe via le satellite, elle sort de l’anonymat en 2003 après la programmation d’un feuilleton syrien, Al-Chatat (« Diaspora »), aux accents antisémites. Cet épisode lui vaudra les foudres des associations juives ainsi que les remontrances du Conseil supérieur (français) de l’audiovisuel (CSA). Accusée d’incitation à la haine raciale, elle est finalement interdite en France en décembre 2004, avant d’être placée par le département d’État américain sur la liste des organisations terroristes.
Autoproclamée « chaîne de guerre psychologique contre l’ennemi sioniste », Al-Manar associe commentaires virulents et images chocs pour frapper les esprits et rallier l’opinion arabe à la cause du Hezbollah : enfants mourants dans les bras de secouristes, cadavres emballés dans des sacs plastique, quartiers, ponts et maisons en ruines, cris de douleur ou de colère des victimes… Et ça marche : Al-Manar a acquis une soudaine mais grande notoriété auprès des téléspectateurs arabes. Mais il arrive que l’exercice frise la manipulation. À l’image de ces récents bombardements couplés avec des clichés de la boucherie perpétrée en septembre 1982 par les phalangistes de la droite libanaise contre des réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila.
Tous les moyens sont bons pour susciter l’indignation, exalter le martyre, sublimer la guerre sainte. Vendredi, jour de la grande prière, Al-Manar n’hésite pas à donner l’antenne à un imam pour électriser les foules. « Nous adressons un appel à tous les musulmans où qu’ils soient pour leur dire qu’à l’instant même où les Israéliens franchissent nos frontières, l’heure du djihad a sonné, tonne-t-il. Lavez l’honneur de l’islam ! Lavez l’honneur des musulmans ! Sauvez votre patrie, quitte à vous sacrifier ! »
En face, Israël ne ménage pas sa peine pour réduire au silence la petite lucarne du cheikh Hassan Nasrallah, le chef charismatique du Hezbollah. En plus des raids aériens, des messages SMS envoyés sur des portables libanais et du piratage des radios FM, Tsahal a réussi, le 1er août, à pirater le journal télévisé d’Al-Manar pendant quelques minutes pour y diffuser des images de cadavres de combattants du Hezbollah accompagnées de cette légende : « Il existe un grand nombre de cadavres de ce genre sur le terrain. Nasrallah vous cache la vérité. »

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