Al-Qaïda recrute

Dans une vidéo diffusée par Al-Jazira, le groupe terroriste justifie les attentats-suicides, promet de nouvelles attaques de kamikazes et lance un appel à candidatures.

Publié le 13 mai 2007 Lecture : 4 minutes.

Un mois après, jour pour jour, al-Qaïda au Maghreb islamique, nouvelle appellation du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), a diffusé sur Internet une vidéo d’une trentaine de minutes confirmant sa revendication des attentats kamikazes du 11 avril contre le Palais du gouvernement et la direction régionale de la police judiciaire, à Alger. Diffusé en boucle, le 10 mai, sur Al-Jazira, la chaîne de télé qatarie, l’enregistrement montre, avec un grand luxe de détails, les préparatifs des attaques. De la confection des bombes à l’aide de produits chimiques (en vente libre sur le marché) à l’entraînement des aspirants kamikazes (à la fois dans le nord du pays – on devine un relief boisé – et dans le grand Sud, sans doute l’Erg oriental, près d’El-Oued), sans oublier le « testament » des terroristes et le déroulement des opérations elles-mêmes.
Le film apporte un démenti aux autorités algériennes, qui ont toujours contesté la thèse des attentats-suicides. Les enquêteurs ayant découvert dans les véhicules utilisés des systèmes de mise à feu à distance, elles en avaient, un peu vite, tiré la conclusion que les terroristes n’envisageaient pas de se suicider et avaient été piégés par leurs complices.
La vidéo s’achève sur un prêche d’Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossab Abdelwadoud, l’émir autoproclamé de l’ex-GSPC. La mise en scène est conforme aux critères « esthétiques » des productions audiovisuelles d’al-Qaïda, généralement réalisées par la société Es-Sahab (le nuage), qui diffuse « en exclusivité mondiale » les discours d’Aymen al-Zawahiri, le lieutenant d’Oussama Ben Laden.
Abdelwadoud se présente assis, un kalachnikov à ses côtés. Le treillis kaki dont il est vêtu semble tout droit sorti des magasins de l’armée algérienne. Prise de guerre ? Il est coiffé d’un turban noir comme ceux des talibans afghans. Son ton est calme, mais son propos véhément. Sa justification des attentats-suicides est beaucoup plus politique que théologique. Il s’en prend par exemple, en termes violents, à l’Union du Maghreb arabe (UMA), dirigée par le Tunisien Habib Ben Yahia, qu’il accuse d’être à l’image de tous les dirigeants nord-africains : des supplétifs des croisés dans leur guerre contre l’islam. L’instauration du califat islamique est pour lui l’objectif suprême des moudjahidine tunisiens, mauritaniens, marocains et algériens – ces « lions », comme il les appelle. Pourquoi a-t-il omis de citer les djihadistes du Groupe islamique combattant libyen (GICL) ? « Parce que, contrairement aux autres Maghrébins, les Libyens sont actuellement peu nombreux dans les maquis de l’ex-GSPC », estime un officier supérieur de l’antiterrorisme algérien. Reste que l’absence de la religion dans le discours d’Abdelwadoud intrigue. Dans le passé, ne fut-il pas le mufti de l’organisation et, à ce titre, habilité à « émettre des fatwas » ?
Le recours aux attentats-suicides ne fait apparemment pas l’unanimité dans les maquis. Hassan Hattab, le fondateur du groupe salafiste, aujourd’hui en retrait, y est pour sa part farouchement opposé. « Nous avons créé le GSPC, rappelle-t-il, en réponse aux dérives des GIA, qui frappaient indifféremment civils et militaires. Or voilà que nous retombons dans le même piège, puisqu’une attaque-suicide fait forcément beaucoup de victimes innocentes. »
Mais Abdelwadoud n’a cure de ces états d’âme et a bien l’intention de persévérer dans cette voie, en Algérie et ailleurs. Il lance même, dans son prêche, un appel à candidatures. À ce moment de son intervention, le film montre des images de futurs kamikazes à l’entraînement, tandis que la voix du chef annonce que son organisation en a déjà formé plusieurs dizaines. L’Antiterroriste affirme en avoir identifié au moins cinq, tous dans la nature.
Dans le cadre de l’enquête sur les attentats du 11 avril, les services de police ont interpellé une dizaine de personnes impliquées dans le réseau de soutien logistique aux trois kamikazes (deux de ces derniers ont été identifiés grâce à leur ADN). Ils s’intéressent particulièrement aux filières qui recrutent des djihadistes en Irak. Un camp d’entraînement encadré par des salafistes basés dans le nord du Mali a été découvert dans la région d’El-Oued, à moins de 200 km de la frontière tunisienne.
Le portrait-robot du candidat au suicide établi par les limiers de l’Antiterroriste ne laisse pas d’inquiéter. Les kamikazes potentiels ne sont généralement pas en effet des laissés-pour-compte de la société, mais de jeunes (18-24 ans) universitaires issus de la classe moyenne pratiquant leur religion de manière « modérée ». Ce qui ne facilite pas leur identification.
L’histoire de Marwane Boudina, le djihadiste qui a en partie détruit le Palais du gouvernement, est édifiante. Avant sa disparition, en septembre 2006, il était connu dans la banlieue algéroise comme dealer de psychotropes et grand consommateur d’alcool et de cannabis. Sept mois plus tard, il a filmé son « testament » et annoncé sa décision de rejoindre plus tôt que prévu le paradis et ses houris.

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