L’ombre chinoise
Le sommet de New Delhi (8-9 avril) a tenté de mettre en place entre les deux parties un partenariat politique et économique mutuellement profitable. Mais avec des moyens sensiblement inférieurs à ceux du grand rival asiatique.
Traditionnellement, le mois d’avril marque le début des grandes chaleurs à New Delhi : la température y dépasse couramment les 40 °C. Mais cette année, l’été se fait désirer. C’est donc sous un soleil point trop ardent que s’est tenu, les 8 et 9 avril, le premier sommet Inde-Afrique, sous la houlette de Manmohan Singh, le Premier ministre indien. Outre Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission de l’Union africaine, six chefs d’État africains – tous subsahariens – avaient fait le déplacement : Thabo Mbeki (Afrique du Sud), Abdoulaye Wade (Sénégal), Joseph Kabila (RD Congo), John Kufuor (Ghana), Yoweri Museveni (Ouganda) et Jakaya Kikwete (Tanzanie). Plus deux vice-présidents, deux chefs de gouvernement, une pléiade de ministres et près d’un millier de délégués. Au total, quatorze pays étaient représentés (voir p. 15).
Rumba et raga
Tout avait commencé la veille, dans un stade, par un spectacle réunissant artistes indiens et africains sur des rythmes fusionnels – entre rumba et raga ! Les choses sérieuses ont commencé dès le lendemain matin. À l’instar des rencontres du même genre organisées depuis plusieurs années par le Japon et la Chine, ce sommet avait pour objectif de renforcer les liens politiques et, surtout, économiques entre les deux entités. Nouvelle puissance émergente de l’Asie, l’Inde s’inquiète en effet des positions de plus en plus fortes conquises par les Chinois en Afrique, à coups d’investissements massifs. Elle souhaite s’assurer à son tour sa part du « gâteau », surtout dans le domaine des hydrocarbures : son économie en expansion fulgurante a le plus urgent besoin de s’assurer des approvisionnements sécurisés.
Mais la route est encore longue. « L’Inde est présente dans les mêmes pays que la Chine, Soudan compris, commente un économiste sud-africain, mais le niveau de son engagement est bien moindre. » À titre de comparaison, 48 pays et 40 chefs d’État africains avaient participé au dernier sommet Chine-Afrique, les 4 et 5 novembre 2006 à Pékin
Pour se démarquer de leurs concurrents chinois, les responsables indiens s’efforcent donc de promouvoir une coopération « équitable ». Le ton a été donné, dès le premier jour du Sommet, par Singh, qui a appelé à un « partenariat fondé sur l’égalité et le respect ». Il s’agit donc d’accompagner la marche vers l’autosuffisance des pays africains par le biais du transfert de technologies, mais aussi du développement de ressources et de compétences humaines locales. « Tout le contraire de ce que font les autres pays présents sur place », insiste un haut fonctionnaire indien. On avait compris.
Philosophie
Le sommet s’est conclu par l’adoption d’une « Déclaration de New Delhi » et d’un document-cadre pour la coopération indo-africaine. Préparés par les ministres des Affaires étrangères de l’Inde et des quatorze pays invités (en raison des positions qu’ils occupent dans diverses instances régionales et interafricaines), ces deux textes exposent en détail la philosophie que les deux parties voudraient voir présider à leurs futures relations. Soit l’instauration d’un partenariat sincère, égalitaire, touchant à tous les domaines et mutuellement profitable.
Mais comme on ne vit pas seulement de philosophie, l’Inde s’engage également à accroître substantiellement son effort financier. Le montant de ses lignes de crédits concessionnels va passer de 2,15 milliards de dollars en 2003-2004 à 5,4 milliards en 2008-2009. En outre, 500 millions de dollars vont être octroyés au titre de l’aide au développement. Mais l’engagement le plus favorablement accueilli concerne la mise en place d’un régime de préférence tarifaire pour les trente-quatre pays les moins développés du continent. Cet accès préférentiel au marché indien bénéficie à des produits comme les diamants, le coton, le cacao, l’aluminium et le cuivre. Soit 92,5 % des exportations des pays concernés.
Sera-ce suffisant pour donner un coup de fouet aux relations commerciales ? Pas sûr. Celles-ci se sont accrues de plus de 250 % au cours des cinq dernières années, mais leur volume (30 milliards de dollars en 2007) reste très en deçà de celui des relations Chine-Afrique (55 milliards).
Quoi qu’il en soit, Indiens et Africains se sont séparés avec la conviction qu’en mettant en commun leurs potentialités et leur expérience de la lutte anticoloniale, ils finiront peut-être par donner un sens à la coopération Sud-Sud.
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