La faim et les moyens
Après le choc pétrolier, le choc alimentaire ! La flambée des prix des denrées de base est vertigineuse : 80 % d’augmentation, en 2007, pour le blé, 24 % pour le maïs, 20 % pour le riz. Le commissaire européen au Développement Louis Michel voit se profiler un « tsunami humanitaire », le Programme alimentaire mondial (PAM) tire la sonnette d’alarme face à ce « nouveau visage de la faim ». L’urgence est décrétée, mais il est déjà bien tard. Les foyers de tensions se multiplient un peu partout dans les pays en développement, et particulièrement en Afrique (voir Focus p. 23). Les émeutes succèdent aux manifestations, les pouvoirs publics sont dépassés, la communauté internationale confrontée à un défi majeur.
Non moins paradoxal : les plus touchés par la faim sont les agriculteurs des pays en développement. Pour plusieurs raisons. D’abord le pétrole, dont l’envolée des cours pénalise l’ensemble de la chaîne alimentaire et favorise la production de biocarburants, au détriment des surfaces cultivables. Ensuite, le marché lui-même. La demande s’envole (montée en puissance de la Chine et de l’Inde) à un rythme supérieur à celui de l’offre, phénomène exacerbé par l’exode rural auquel sont confrontés la plupart des pays en développement et le choix opéré par nombre d’entre eux de favoriser la culture de rente (café, cacao, coton, etc.) au détriment de la production de céréales. Sans oublier les changements climatiques (sécheresse, inondations) et la crise financière internationale qui a poussé les fonds spécialisés à s’éloigner des marchés boursiers pour se replier vers les matières premières, devenues le « terrain de jeu » des spéculateurs.
Les mesures d’urgence prises par les pouvoirs publics (subventions, baisse ou suppression des droits de douane et de la TVA, etc.), si elles permettent d’atténuer le choc pour les populations, poseront, à moyen et long terme, d’énormes difficultés aux économies locales. Car ce sont autant de dépenses en plus et de recettes en moins pour les États.
La panacée face à ce fléau – dont les experts prédisent qu’il faudra vivre avec, au moins jusqu’en 2010 – n’existe pas. Mais la priorité, c’est de nourrir les populations. Et pour cela, développer la production alimentaire locale destinée aux marchés intérieurs. Il faudra bien, cependant, qu’un jour l’Afrique ouvre le débat sur son agriculture. Quand les cours sont bas, elle souffre et ses paysans quittent les campagnes. Quand ils flambent, c’est pire encore. La faim justifie les moyens
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