Documentaires : l’Afrique aussi…

Publié le 13 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Ces dernières années ont été marquées par le retour du documentaire. La Palme d’or obtenue par Michael Moore à Cannes en 2004 pour son pamphlet anti-Bush Fahrenheit 9-11 n’a pas peu fait pour donner une consécration publique à cette renaissance, perceptible sur tous les continents et dans toutes les manifestations cinématographiques.
Cette année, à Ouagadougou, les organisateurs du festival panafricain ont doublement mis à l’honneur le documentaire. D’abord en sélectionnant, cas peu fréquent, un film de ce type pour la compétition, Le Malentendu colonial, du Camerounais Jean-Marie Teno. Ensuite en soutenant sans ambiguïté cette année la manifestation « Côté doc », sorte de minifestival organisé par l’association Écrans, qui coexiste depuis 2003 avec le Fespaco proprement dit. Celle-ci présentait cette année 26 films, contre 16 il y a deux ans, et organisait tous les jours des débats très suivis, avec pour principal animateur le même Teno. Par ailleurs, enfin, toutes les sections du festival (« Panorama des cinémas d’Afrique », « panorama TV-vidéo », etc.) proposaient de nombreux documentaires. Près de la moitié des films présentés en 2005 au Fespaco appartenaient ainsi à ce genre.
Évidemment, il y a documentaire et documentaire, et une majorité de ces courts-, moyens- et longs-métrages présentés à Ouagadougou méritait plutôt le label « enquête » ou « reportage ». Mais les véritables oeuvres d’auteur étaient nombreuses, plus d’une dizaine assurément. Et elles étaient souvent de grande qualité. Comme Aliénations, regard très pénétrant de l’Algérien Malek Bensmaïl sur l’état de la psychiatrie dans son pays à travers le destin d’un hôpital pour malades mentaux de Constantine. Ou Al’Lééssi (« un destin », en langue sonrhay), beau portrait d’une ancienne star du cinéma nigérien, aujourd’hui réduite à faire des ménages dans la banlieue de Niamey, réalisé par sa compatriote Rahmatou Keïta. Ou encore Ask Me, I’m Positive, qui voit le Sud-Africain Toboho Edkins suivre de village en village la tournée de trois jeunes séropositifs du Lesotho qui répondent aux questions de la population après la projection d’un film de sensibilisation au fléau du sida.
Deux films ont cependant dominé le volet documentaire du Fespaco. Le premier, déjà cité, Le Malentendu colonial, la dernière réalisation du très actif Jean-Marie Teno, évoque grâce à des documents d’époque et toute une série de témoignages l’histoire de l’évangélisation des Africains dans les colonies allemandes. Il s’intéresse plus particulièrement au cas de la Namibie. Un regard évidemment très critique sur une certaine pratique chrétienne de l’éthique qui a conforté l’entreprise coloniale et indirectement favorisé des intérêts marchands.
Le cinéaste sénégalais Moussa Touré, pour sa part, nous convie dans Cinq fois cinq à suivre la vie quotidienne d’un de ses amis, Jean, un polygame qui se dit heureux d’une condition dont il vante les mérites. Un portrait magnifique d’un homme peu banal, complété en contrechamp par les interventions des cinq épouses de Jean et de certains de leurs vingt-cinq enfants, qui propose en creux une récusation féroce de tous les arguments en faveur de la polygamie.
Alors que l’insolent Jean-Marie Teno, selon son habitude, ne cesse de commenter de sa voix faussement douce les informations qu’il obtient au cours de son enquête, l’élégant Moussa Touré, muet, laisse les images parler d’elles-mêmes. L’un démontre, comme dans un éditorial qui serait bourré d’informations, l’autre montre, presque comme dans un film de fiction.

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