Ça bouge au Cameroun

Publié le 13 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Douala, capitale économique camerounaise, vit dans une atmosphère pesante. La fin annoncée du rationnement de l’électricité n’a pas fait reculer l’insécurité, souci majeur de la population. Un sentiment renforcé par deux récentes affaires de meurtres : celui d’un cadre de banque, soupçonné d’un détournement de fonds de 13 millions de F CFA, qui n’a pas survécu à l’interrogatoire musclé mené par les gendarmes chargés de l’enquête, et l’affaire d’un jeune Chinois froidement abattu par des malfaiteurs. Une tentative de marche de protestation de la communauté chinoise a été interdite par les autorités, qui ont aussi suspendu et mis aux arrêts les bourreaux du banquier. Pourtant, la tension dans l’air reste palpable. En conséquence, les forces de l’ordre ont investi les principales artères de la ville, multipliant les contrôles. Les policiers sont plus courtois que d’ordinaire, mais tout aussi cupides. Seule nuance, le racket a gagné en raffinement : vous êtes libre de laisser, ou non, « de quoi offrir une bière au chef ». La petite délinquance a aussi gagné du terrain dans les quartiers populaires, et nombre d’habitants se plaignent de ne plus pouvoir rentrer tranquillement chez eux après 9 heures du soir, surtout les femmes.

Ces sujets barrent la une des journaux et, sur Équinoxe, la première radio de la ville, on monte en épingle les dérapages des forces de l’ordre en donnant la parole aux victimes. Tous les sujets sont autorisés. Sur RTM, station très branchée, une animatrice parle sans tabou de sexe. La libre antenne, filon à succès des radios comme Skyrock ou Fun Radio en France, fait désormais recette. Douala la frondeuse fait avancer le chantier de la liberté de parole. Autre sujet qui passionne les Doualais : les rues goudronnées. Elles demeurent en piteux état et aucun nouveau chantier n’est prévu. Les travaux publics, secteur à forte main-d’oeuvre, sont au point mort. Il semble même que nombre de « gros bras », ainsi réduits au chômage, viennent grossir les rangs des gangsters. Au siège du Gicam, le patronat camerounais, le secrétaire général exécutif, Martin Abéga, ne cache pas l’inquiétude des milieux d’affaires. Résultat : Douala transpire.

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300 km plus à l’est, à Yaoundé, l’air est plus frais. On y devise volontiers de la dernière sortie du président Paul Biya, apparu à la télévision, jovial et en tenue décontractée, à la soirée « privée » organisée par son épouse pour ses 72 ans. Jusqu’ici, son âge relevait du tabou. Un vent de modernité semble donc souffler sur la capitale. Dans les ministères des Finances, du Commerce, des Sports, de l’Énergie, de la Ville, on travaille. Feuilles de route, traçabilité des dossiers administratifs, dispositifs anticorruption, le cocktail est séduisant. Le défi de l’assainissement reste à relever, mais les Yaoundéens profitent déjà des espaces verts qui parsèment la cité. À leur lisière subsistent néanmoins quelques décharges à ordures.

Sur les marchés, les prix du poulet sur pied, qui sert à confectionner les plats nationaux dont raffolent tous les Camerounais, ont baissé. Les aviculteurs ploient sous les commandes, qui ont bondi de 30 % à 50 %. C’est le résultat du combat de Bernard Njonga, du journal La Voix du paysan et de ses confrères des différentes associations, qui ont obtenu des autorités la limitation des importations de poulets congelés et la levée de la TVA sur la production locale.

En politique, la levée de l’immunité parlementaire du député John Nkonteh du Rassemblement du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, marque un tournant. Accusé d’avoir commandité le meurtre d’un militant du Front social démocrate (SDF), le principal parti de l’opposition, ce chef traditionnel influent va être entendu par la justice. Quel que soit le résultat de l’instruction judiciaire, cette décision fera jurisprudence. Le Cameroun est-il en train de changer ? Pauline Biyong, lobbyste de poids et remuante présidente de la Ligue pour l’éducation de la femme et de l’enfant, y croit, cette fois.

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