Abdel Benazzi par Mandela

Publié le 13 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Originaire du Maroc, Abdel Benazzi est un symbole de l’intégration dans ce qu’elle peut
avoir de plus flamboyant. Capitaine de l’équipe de France de rugby dans les années 1990, il a disputé avec le quinze de France les compétitions les plus prestigieuses. Âgé de 36 ans, ce sportif hors du commun vient de publier sa biographie. Dans Une vie à l’essai (Flammarion, 292 pages, 19,90 euros), préfacé par Nelson Mandela, il relate l’itinéraire d’un jeune émigré qui va parcourir le monde d’Oujda au Stade de France en passant par Agen, Sydney ou Durban. Musulman pratiquant, il y parle également d’islam et de laïcité.
Lui, qui a reçu les honneurs que la République française décerne à ses champions, milite aujourd’hui pour favoriser l’intégration des étrangers dans l’Hexagone. Sans oublier sa ville d’Oujda, où l’association Noor, qu’il préside, organise chaque année des manifestations culturelles et sportives pour les jeunes défavorisés.

« Dix centimètres qui auraient pu changer l’histoire »

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Rares sont les joueurs de rugby, rares les Marocains, et plus rares encore les joueurs de rugby franco-marocains qui, publiant leur autobiographie, ont droit à une préface de Nelson Mandela. C’est dire la personnalité exceptionnelle d’Abdelatif Benazzi. « Madiba » lui écrit :
« Le sport a le pouvoir de changer le monde, parce qu’il a le pouvoir d’inspirer les êtres. Autour de nous rares sont les actions capables d’unir les peuples. Le sport parle à la jeunesse dans un langage qu’elle comprend. Il fait naître l’espoir là où, auparavant, n’existait que le désespoir. Il est plus fort que la politique et que les gouvernements pour briser les barrières raciales, vaincre la discrimination et les préjugés.
« Et c’est avec beaucoup de respect, Abdel, que je vous écris ces lignes.
« Vous savez que la Coupe du monde de rugby a laissé, en Afrique du Sud, des souvenirs inoubliables. Un de ces moments particuliers restera pour moi et mon peuple la dramatique demi-finale de Durban durant laquelle les Springboks ont affronté la France, dans des
conditions impossibles, sous le déluge, le 17 juin 1995.
« Après avoir arrêté un joueur français appelé Abdel Benazzi, à quelques centimètres de la ligne d’essai, du moins nous croyons tous qu’ils l’ont fait, les Springboks ont remporté un match épique, intense et palpitant qui leur a ouvert ensuite les portes de la finale et du titre mondial, une semaine plus tard, après avoir battu les All Blacks.
« Ce jour-là, à Durban, croyez-le, j’ai ressenti dans ma chair la déception des joueurs français quand je les ai vus quitter le terrain de Kings Park, abattus. Personne, au cours de cette demi-finale, ne méritait de perdre après avoir tant donné et joué avec tellement de vaillance.
« Quelque temps plus tard, il m’a été rapporté vos propos, empreints d’une grande sagesse. Ainsi, votre déception née de la défaite contre les Springboks avait été atténuée par une profonde émotion en voyant l’Afrique du Sud fêter son titre de champion du monde, et surtout par le fait qu’à travers le rugby vous aviez perçu à quel point tous les Sud-Africains, désormais, se sentaient unis.
« Nous vous remercions, Abdel, pour votre remarquable esprit sportif et les sentiments que vous éprouvez pour notre nation.
« Yours faithfully. »
Le plus amusant est que Benazzi reste persuadé que cet essai de Durban, il l’a marqué, et que l’une des photos réunies dans le livre semble lui donner raison. Mais cet épisode fait maintenant partie de la légende du rugby. « L’histoire allait dans un sens et ce n’était pas le nôtre, écrit-il. Ces dix centimètres auraient pu changer l’histoire de l’équipe de France, mais ils ont changé l’histoire de l’Afrique du Sud. Ce qui me vaut aujourd’hui l’affection de Nelson Mandela. »
Soixante-huit sélections entre 1990 et 2001, capitaine du quinze de France, vainqueur du Grand Chelem 1997 dans le Tournoi des Cinq Nations, Benazzi a disputé trois Coupes du monde en 1991, 1995 et 1999, et participé aux exploits des Tricolores en Nouvelle-Zélande
et en Afrique du Sud. Des affrontements du tournoi, où le deuxième ligne irlandais Paddy Johns « passe une heure et demie à lui sauter dessus à pieds joints » avant, le match fini, de lui témoigner « le plus grand respect », au face-à-face avec les All Blacks pendant le hakka et aux coulisses du Championnat de France, son livre, écrit avec verve et émotion, en collaboration avec Richard Escot, passionnera les amateurs de rugby.
Mais tout aussi remarquable chez ce natif d’une riche famille d’Oujda, musulman fervent, lecteur assidu du Coran, officier de la Légion d’honneur, membre du Haut Conseil de l’intégration, qui se bat aujourd’hui pour préparer, dans le cadre de son association Noor (« lumière » en arabe), l’avenir de jeunes Africains en difficulté est l’autre exploit qu’il a réalisé en devenant profondément français tout en restant totalement marocain.

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