Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 13 février 2005 Lecture : 7 minutes.

Devoir de mémoire
Le soixantième anniversaire de la libération des camps de concentration a été célébré dans toute l’Europe. Nous devions au peuple juif ce devoir de commémoration et de reconnaissance afin de lui rendre sa dignité.
Mais, aujourd’hui, qui se rappelle de Gorée, petite île du Sénégal, l’un des lieux où ont transité les esclaves noirs avant leur « commercialisation » vers l’Europe ou l’Amérique ? Le devoir d’information destiné à éveiller les consciences ne s’arrête jamais. L’Occident doit se comporter envers la communauté noire comme envers la communauté juive, parler autant de la traite négrière que de l’Holocauste aux générations futures.

Noirs dans les camps nazis
L’une des pages les plus terribles de la Seconde Guerre mondiale s’ouvre sous la plume du journaliste ivoirien Serge Bilé : l’enfer vécu par les soldats noirs, prisonniers et déportés par l’armée allemande. Les livres d’histoire et les cérémonies commémoratives ne mentionnent jamais les soldats d’origine africaine ou antillaise qui, au nom du combat pour la France libre, se sont retrouvés à Buchenwald ou à Dora-Mittelbau.
Après les « tirailleurs sénégalais » anciens combattants, lésés par les autorités françaises, nous sommes en présence d’une autre injustice. À l’heure où la France et la communauté internationale célèbrent la libération des camps et honorent la mémoire de la Shoah, il serait équitable de rendre aussi hommage aux combattants d’Afrique, des Antilles, d’Amérique ou d’ailleurs qui, épris de liberté, ont bravé l’ennemi nazi pour bâtir un monde de paix et de fraternité. C’est aussi cela l’égalité entre les hommes, tous les hommes.
Régis Hounkpé, Paris, France

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Élections en RD Congo : la leçon irakienne
Environ huit millions d’Irakiens se sont rendus dans les bureaux de vote, le 31 janvier 2005, pour désigner les 275 membres de l’Assemblée nationale provisoire chargée de rédiger la future Constitution, ainsi que ceux des 18 Assemblées provinciales.
Tout en soulignant le caractère courageux de cet acte, car les Irakiens ont bravé les menaces de mort brandies par les extrémistes, le principal enseignement à en tirer est que lorsqu’un peuple veut prendre son destin en main, il est capable de braver la mort. Il faut saluer les Irakiens qui ont choisi la logique démocratique au détriment de l’idéologie de la terreur.
Je pense que la République démocratique du Congo a tout intérêt à s’inspirer de cette expérience. Face aux doutes, aux tergiversations des uns et aux peurs des autres, le peuple congolais doit tenir bon. Les élections prévues en juin 2005 demeurent la seule façon de faire reculer la tyrannie, le pillage des ressources et le désordre généralisé observé dans la gestion des affaires publiques.
Comme pour l’Irak, la communauté internationale doit appuyer le processus électoral en RD Congo, car, en dépit des problèmes sécuritaires, juridiques et logistiques, seules des élections libres, pluralistes et honnêtes – ce que le pays n’a pas connu depuis 45 ans – sont le gage d’une normalisation durable.
Jean-Baptiste Bokoto, Brasschaat, Belgique

L’éducation, ressort du développement
Le plan présenté par le ministre britannique Gordon Brown (voir J.A.I. n° 2299) comporte un volet intéressant, qui concerne l’éducation. À mon avis, c’est la cheville ouvrière de l’évolution d’une société. Le sous-développement en Afrique est d’abord intellectuel. Grâce à l’éducation, les mentalités évolueront, et les Africains n’accepteront plus tout ce que font leurs hommes politiques. Il y aura enfin obligation de résultat et de transparence.

Forger des hommes nouveaux
La Tunisie doit se défendre avec la dernière énergie contre la concurrence économique que représentent à la fois la Chine, pays émergent, et l’Europe. Que faire ? Je propose de déclencher une réaction de « sacrifice » chez tous les adultes. Qu’ils travaillent douze heures par jour pour le même salaire, ne mangent deux bols de chorba quotidiens, se disciplinent, deviennent les esclaves du « But suprême » : se forger en une génération une vraie industrie, une vraie agriculture, former des investisseurs audacieux, de vrais ingénieurs, de vrais chercheurs, c’est-à-dire un vrai capital. D’autres l’ont fait et réussi avant nous : les Japonais, les Allemands et les Coréens. Les Chinois sont en passe d’y parvenir pour sortir du sous-développement. Pourquoi pas nous ?
Mohamed B. Khelil, Paris, France

Affaire de noms
En 2001, un certain Joseph Kabila remplaçait Laurent-Désiré Kabila. En 2005, Faure Gnassingbé prend la place de Gnassingbé Eyadéma, demain c’est probablement Ali Bongo qui occupera le fauteuil d’Omar Bongo Ondimba, à moins que ce soit Seif el-Islam Kadhafi au lieu de Mouammar Kadhafi. Tout cela au nom… du père ! Je vais me permettre de faire une suggestion à tous nos doyens chefs d’État : ne transmettez plus votre patronyme à vos enfants, cela nous donnera au moins l’illusion qu’en Afrique aussi on peut changer d’homme à la tête des États.
André Marie Eboni, Garoua, Cameroun

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Bush prophète en son pays
La dissonance que vous avez relevée dans votre éditorial (voir J.A.I. n° 2298) entre les Américains et le reste du monde est facile à comprendre. Les Américains ont élu George W. Bush, prouvant ainsi qu’ils ne se soucient nullement de l’opinion extérieure. Ils ont considéré cette élection comme une affaire nationale, même si elle a des répercussions à l’échelle de la planète.
George W. Bush se soucie peu des Européens, car il veut leur faire comprendre que non seulement c’est l’Amérique qui a libéré l’Europe de la dictature, mais que c’est elle qui l’a aidée à se reconstruire et à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Il tient à rappeler que la chute du mur de Berlin a été rendue possible, entre autres, grâce à la présence militaire américaine, comme l’a dit George H. Bush, le père de l’actuel président, en félicitant les G.I.’s stationnés en Allemagne pour leur mission accomplie.
Pour tout cela, les États-Unis demandent ou attendent de l’Europe allégeance et reconnaissance, et non critiques ou leçons.
Aux autres, Georges W. Bush veut faire sentir sa superpuissance et les pousser au respect. Qu’il y ait un bourbier irakien ou non.
Primus Guénou, Lomé, Togo

Comportement regrettable
La célébration du soixantième anniversaire de la libération des camps nazis intervient alors que les violations des droits de l’homme par l’armée et les colons israéliens continuent de faire l’actualité. Les Juifs dans leur ensemble sont intimement associés à ce problème. Il est regrettable que ces exactions contemporaines occultent et relativisent l’Holocauste et fassent perdre aux Juifs, minorité religieuse, le capital de compassion acquis depuis la Seconde Guerre mondiale. On aurait pu cependant s’attendre à ce que les Juifs israéliens, après tout ce qu’ils ont subi, aient un comportement plus exemplaire, respectueux des droits des peuples et des règles internationales.
Michel Baryla, Puteaux, France

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Il faut parler du sida
Pour que la lutte contre le VIH soit efficace, il faut laver la maladie de ses péchés originels, à savoir l’ignorance et le mutisme. Le dépistage volontaire est loin d’être accepté par tous et il y a davantage de « séro-ignorants » que de séropositifs. Par ailleurs, jamais les décès dus au sida ne sont mentionnés comme tels.
En attendant que les soins soient accessibles à tous, à chacun de s’auto-éduquer et d’éduquer les autres pour sortir du mutisme. Au besoin par des prises de position combatives comme celle de Nelson Mandela, reconnaissant publiquement, aux obsèques, que son fils était mort du sida.
Nguenan Kodetebaye Sarh, Tchad

Moudawana, an I
La Moudawana (voir J.A.I. n° 2299) est un bel instrument aux mains des femmes, elle leur permet d’affronter un quotidien parfois difficile. Mais il lui reste à faire ses preuves. Or, pour être efficaces, les législations nationales doivent épouser le degré d’ouverture de la population, et non l’inverse. La Moudawana n’est pas soutenue par une évolution des mentalités, d’où la difficulté de sa mise en pratique. Si la petite paysanne continue à faire dix kilomètres à pied pour se rendre à l’école, si la femme n’a pas un dispensaire ou un hôpital proche de chez elle pour accoucher dans les meilleures conditions, si le travail des enfants n’est pas interdit et punissable, si la scolarisation n’est pas généralisée, la Moudawana n’aura comme effet que des dysfonctionnements familiaux, car elle ne répondra pas à un besoin. Elle aurait dû être le couronnement d’une politique d’éducation et non un effet d’annonce sans traduction sur le terrain.
Jaouad Mantrach, Bruxelles, Belgique

Voile, islam et modernité
À propos de votre article sur la Turquie (voir J.A.I. n° 2292) et de la réaction d’une de vos lectrices (voir J.A.I. n° 2297, p. 107), je voudrais vous donner mon opinion. Nous, Occidentaux, ne portons pas de jugement sur les femmes voilées, nous les plaignons. Cette obligation est le produit de la mentalité machiste dont font preuve certains gouvernements. En ce qui concerne la Turquie, nous estimons qu’il s’agit même d’une sorte de revanche. Chère lectrice, soyez sûre que les Occidentaux ne jugent pas les femmes à leur tenue vestimentaire, mais jugent les hommes qui les contraignent. Je ne suis pas d’accord pour que l’on vous traite en inférieures, ni pour que ces tristes habitudes s’exportent, car je tiens à ce pour quoi nous nous sommes battus : liberté pour tous et toutes.
Laurent Guai, Fontcouverte, France

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