Yasser Arafat et le Vatican : un message

Publié le 12 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Le conflit israélo-palestinien n’est pas une guerre de religion entre les musulmans et les juifs, mais une question politique, liée au droit international, et tenant au fait que l’État d’Israël occupe illégalement des territoires qui ne lui appartiennent pas. Pour que ce conflit prenne fin, il faut donc que les résolutions de l’ONU soient enfin appliquées dans cette région du monde comme ailleurs, ce qui, depuis des années, n’est pas le cas.
Mais, qu’on le veuille ou non, le contentieux israélo-palestinien comporte une dimension religieuse : d’abord, parce que l’État d’Israël a été créé en se référant à la Bible et que, de ce fait, dans le monde entier et à de rares exceptions près – les juifs se sentent culturellement, et souvent politiquement, solidaires de cet État ; ensuite parce que les Palestiniens, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, ont eux aussi des liens, parfois étroits, avec leurs coreligionnaires de tous les continents ; enfin et surtout peut-être parce que Jérusalem est considéré comme une Ville sainte par les croyants des trois grandes religions monothéistes, du Nord au Sud et de l’Ouest à l’Est.
Il n’est donc pas étonnant que sur cette terre – qu’on appelle d’ailleurs la « Terre sainte » – les facteurs religieux aient une influence sur l’évolution des événements. Et nous voyons bien sûr que, trop souvent, cette influence est négative, les religions contribuant à aggraver les tensions et à susciter des haines, alors que les Livres saints devraient conduire ceux qui s’y réfèrent à chercher les voies de la paix.
Durant toute sa vie consacrée à la cause palestinienne, Yasser Arafat a tenu à prendre en compte cette dimension religieuse de la situation au Proche-Orient. Il l’a fait en s’efforçant de souligner non ce qui oppose, mais ce qui unit les musulmans, les juifs et les chrétiens. Alors qu’Abou Ammar vient de nous quitter pour retourner à Dieu, il me paraît très important que ses successeurs à la tête de l’Autorité palestinienne, puis de l’État palestinien, veillent à maintenir cet esprit de dialogue, d’ouverture et d’universalisme si menacé de nos jours par les extrémistes de tous bords.
Comment ne pas évoquer, à ce propos, ce que furent, depuis plus de vingt ans, les relations entre la Palestine et le Vatican ? Dès l’année 1982, celui qui n’était alors que le chef – très contesté – de l’OLP, rencontra le pape Jean-Paul II à Rome, ce qui suscita de vives réactions, non seulement au sein du gouvernement israélien, mais de la part des plus hautes autorités religieuses de la communauté juive.
Qu’il me soit permis d’évoquer ici un souvenir personnel : ayant eu, à cette époque, l’occasion de rencontrer le grand rabbin Sirat, celui-ci m’exprima sa tristesse et son indignation : il considérait la visite d’Arafat au Vatican et l’accueil que lui avait réservé le pape comme un inacceptable retour à l’« antisémitisme chrétien » si souvent reproché à l’Église. Je ne parvins pas à le convaincre que ce geste du Saint-Père était en réalité un soutien à la juste cause du peuple palestinien.
C’est dans le même esprit que Jean-Paul II voulut choisir un prêtre palestinien, Michel Sabbah, pour être le Patriarche latin de Jérusalem. Celui-ci est aujourd’hui la personnalité chrétienne du Proche-Orient la plus connue. Il était au premier rang des cérémonies d’hommage à Yasser Arafat, qu’il aimait accueillir à Bethléem pour la messe de Noël. Et quand certains lui reprochent ses prises de position vigoureuses contre l’occupation israélienne, ses proches répondent qu’il soutient ses compatriotes comme Karol Wojtyla soutenait les Polonais contre les forces politiques qui les opprimaient.
Aux États-Unis, en Europe, au Proche-Orient, les responsables politiques et religieux sauront-ils entendre le message de Yasser Arafat, de Jean-Paul II et de monseigneur Sabbah ? De nos jours – hélas ! – ce n’est pas encore suffisamment le cas. Autour de Bush, les fondamentalistes protestants prétendent trouver dans la Bible des arguments pour soutenir Sharon ; en Israël, trop de rabbins fanatiques osent affirmer que la colonisation des terres palestiniennes est voulue par Dieu ; en Europe, trop d’évêques et de pasteurs confondent respect envers la religion juive et soutien inconditionnel à l’État d’Israël ; dans le monde musulman, la lutte contre le sionisme politique conduit parfois à un redoutable et condamnable antisémitisme.
Afin de soutenir l’effort que font actuellement les politiques pour trouver enfin une solution équitable au conflit israélo-palestinien, il faut que les porte-parole du christianisme, du judaïsme et de l’islam se rappellent que les Livres saints ne doivent pas être utilisés pour dresser un peuple contre un autre ou une communauté contre une autre. Les prophètes bibliques, l’Évangile et le Coran affirment en effet que, devant Dieu, la prière n’a aucune valeur si elle ne va pas de pair avec la recherche de la justice, condition de la paix.

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