Rêves d’Afrique dans le Lubéron

Films de qualité, présence active des réalisateurs, échanges avec les jeunes : la manifestation organisée à Apt, dans le sud-est de la France, affirme son originalité.

Publié le 12 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Apt, novembre 2004. Au coeur de la petite cité lovée au pied du Lubéron, le César connaît une effervescence toute particulière depuis l’ouverture, le 12 , du IIe Festival des cinémas d’Afrique du pays d’Apt. Un public mélangé, local et des environs, jeune et plus âgé, découvre des films dont il ne soupçonnait guère l’existence. Pour les présenter, des cinéastes invités, traités en vedettes. On veut les voir, leur demander une photo, mais surtout on discute ferme après la projection. « Ce qui me frappe, dit une dame en sortant, c’est de voir une Afrique totalement différente de celle que l’on montre à la télé. Cela me fait réfléchir… »
Donner à voir, montrer une Afrique en création, provoquer les débats, tels étaient les objectifs des responsables de la programmation de cette deuxième édition. Gabrielle von Brochowski – à qui l’on doit l’initiative du festival -, quarante ans d’Afrique dans la coopération et l’aide européenne, une belle énergie, a une intime conviction : « Les artistes ont un rôle majeur à jouer dans l’éveil de la société civile. » Dominique Wallon, réputé pour sa connaissance passionnée de la culture et du cinéma africains, a, lui, mis l’accent sur les Regards de femmes : « Elles sont peu nombreuses, mais exceptionnelles pour faire exister des images africaines. »
Après cinq jours de projection, objectif réussi ! D’abord par la qualité des films. Des fictions en avant-première nationale, Tasuma, le feu, de Daniel Sanou Kollo, une comédie qui a suscité rires, admiration pour le jeu des comédiens et questions intriguées sur les manques de l’administration française ; Na Cidade Vazia, de Maria João Ganda, et Zulu love letter, de Ramadan Suleman, deux films où l’« on sent les problèmes des gens ». Des fictions plus anciennes aussi, comme Abouna, projeté en présence de Mahamat-Saleh Haroun face à un public touché par l’histoire et émerveillé par la beauté des images. L’occasion pour le cinéaste de souligner les problèmes de diffusion en Afrique. « Ce film a eu la chance inespérée d’être diffusé en Angleterre. Il est sorti le même jour que le dernier James Bond et a fait 30 000 entrées ! Alors qu’au Sénégal… En Afrique de l’Ouest, les salles de cinéma sont à l’abandon. On préfère les louer à des sectes. »
Le festival a également fait la place à de superbes documentaires en avant-première nationale et en présence de leurs auteurs. Al’lééssi… une actrice africaine, de Rahmatou Keita, a littéralement remué le public. Après la projection des deux films de Moussa Touré, un silence impressionnant… Dans Nous sommes nombreuses, des femmes violées pendant la guerre civile au Congo racontent sobrement, dignement, leurs blessures devant la caméra de Moussa. Avec Poussières de villes, ce sont sept gamins des rues de Brazza que l’on suit, jusqu’à ce qu’ils finissent par retrouver leurs parents. L’émotion est à son comble. Difficile de poser une question. Mais l’empathie de Moussa est telle qu’elle libère la parole et l’échange fuse.
En quelques jours, le cinéaste est devenu la star du festival. Son sourire chaleureux et son écoute attentive font merveille. Il est la coqueluche des élèves d’une classe de 5e. Moussa les filme suite à un projet proposé par le festival et l’association Le Goût de lire. On le retrouve dans la classe, demandant aux enfants ce qu’ils ont envie de dire ou faire. « Viens chez moi, je veux te montrer mon talisman ». La suite ? Des parents complètement ébahis de voir arriver chez eux un cinéaste sénégalais s’intéresser à leur gosse « à problème » mais fiers tout de même.
Charme et convivialité, films de qualité, présence active des réalisateurs, échanges avec les jeunes, cette deuxième édition du festival a montré qu’il y avait un public en France pour le cinéma africain. À quand une diffusion de ces films dans les salles ? Il y aurait du monde…

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