Ballet diplomatique

Publié le 12 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

La période de deuil n’est pas achevée que la nouvelle direction palestinienne solde les comptes de l’ère Arafat : « nettoyage » des services de sécurité à Gaza – qui, au mieux, se disputaient les quelques prérogatives et compétences que voulait bien leur laisser l’occupant, au pire, se livraient à des exactions -, dissolution des unités spéciales, réorganisation de la chaîne de commandement… Le type même de réformes auxquelles le défunt était opposé.

En dehors des territoires occupés, cette nouvelle direction, incarnée par Mahmoud Abbas, successeur de Yasser Arafat à la tête de l’OLP, en attendant mieux, et par Ahmed Qoreï, le Premier ministre, se prévaut donc d’un droit d’inventaire par rapport au disparu. Le couple Abbas-Qoreï s’est rendu, le 6 décembre, à Damas, qui boudait Arafat depuis 1986, bien avant qu’il n’ait l’outrecuidance de signer, en 1993, sans se concerter avec le grand frère syrien, les accords d’Oslo.
« Nous avons atteint, lors de notre visite en Syrie, tous les objectifs que nous nous étions fixés », a affirmé Abbas à l’issue de son séjour damascène. Les objectifs ? Une réconciliation durable avec le dernier régime baasiste au monde et un dialogue avec les chefs des mouvements palestiniens en exil. La rencontre avec Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, s’est révélée moins délicate que prévu. Il est vrai que le rejet de l’élection présidentielle du 9 janvier par le mouvement islamiste est surtout de pure forme. Pas de boycottage actif donc, ni d’opérations susceptibles de mettre en danger le processus électoral. Autrement dit, pas de provocation. Une trêve ? Le Hamas répond à sa manière : « Nous nous contenterons d’un État palestinien sur la bande de Gaza et la Cisjordanie. » Pragmatisme chez les radicaux ? Acceptation, à tout le moins, d’une solution négociée, thème de campagne du candidat Mahmoud Abbas.
Le couple Abbas-Qoreï s’est ensuite rendu à Beyrouth, la seule capitale arabe, outre Mogadiscio, qui n’abrite pas de représentation officielle palestinienne. Le Liban compte pourtant sur son territoire quelque 350 000 réfugiés palestiniens. Les retrouvailles étaient en tout cas empreintes d’une chaleur tout orientale : accolades et chapelet, primauté de la réconciliation sur les sujets qui fâchent (comme le nombre élevé de milices armées dans les camps de réfugiés).
Mahmoud Abbas en a profité pour faire campagne, même si les réfugiés palestiniens au Liban ne jouissent pas du statut d’électeur. « Jamais nous ne renoncerons au droit au retour », a-t-il réaffirmé au cours d’un meeting devant plus de cinq mille Palestiniens. Une manière de couper l’herbe sous le pied à Marwane Barghouti, son principal rival à la présidentielle du 9 janvier. Une façon aussi de rassurer les Libanais, qui redoutent par-dessus tout l’installation définitive dans le pays du Cèdre des réfugiés palestiniens.

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Abbas et Qoreï ne comptent pas s’arrêter là. Ils s’apprêtent à effectuer une tournée dans le Golfe. Koweït et Riyad devraient être leurs prochaines étapes. Ils espèrent convaincre leurs interlocuteurs d’oublier les querelles du passé et de mettre la main à la poche pour contribuer au financement du scrutin et à la reconstruction de la Palestine (4 milliards de dollars au bas mot, selon Nabil Chaath, chef de la diplomatie de l’Autorité). Les Al Sabbah, dynastie régnante au Koweït, semblent prêts à absoudre la direction de l’OLP, qui avait soutenu l’invasion de l’émirat par les troupes de Saddam Hussein, le 2 août 1990. Les Al Saoud, eux, donneront sans hésitation leur bénédiction au ticket Abbas-Qoreï.

À ce jour, les États-Unis ont d’ores et déjà décaissé 20 millions de dollars pour les opérations de vote. Quant à l’Union européenne, elle a promis de tout faire pour que les élections soient un succès. Une promesse réitérée par l’Allemand Joschka Fischer, le Britannique Jack Straw et l’Espagnol Miguel Angel Moratinos, à l’occasion de leur passage à Ramallah.
La nouvelle direction palestinienne emprunte également les relais de la diplomatie parallèle. C’est ainsi que Djibril Rajoub, ancien patron de la sécurité préventive en Cisjordanie et qui fait un retour remarqué sur le devant de la scène, aurait rencontré, à Londres, Omri Sharon, fils du Premier ministre israélien, pour étudier les modalités de l’organisation du scrutin et du redéploiement de Tsahal dans les Territoires. D’autres réunions ont regroupé Israéliens et Palestiniens sur le même thème. Cependant, les engagements pris le 8 décembre par l’État hébreu ont fait long feu. Le 9 décembre, un drone israélien a lancé un missile sur un véhicule circulant à Gaza. Bilan : trois militants palestiniens gravement blessés. Si ce n’est pas de la provocation, cela y ressemble…

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