Ambitions subsahariennes

Pour mieux répondre aux défis de la mondialisation, une seule solution : développer la coopération avec les ensembles régionaux du Sud.

Publié le 12 décembre 2004 Lecture : 4 minutes.

En Tunisie, le secteur des services assure 52 % du Produit intérieur brut (PIB) et emploie près de la moitié de la population active. Il ne représente cependant « que » 25 % des exportations. Pour mieux garantir ses équilibres extérieurs, le pays ressent aujourd’hui le besoin d’accroître ses exportations de services. Mais si son offre dans ce domaine est assez diversifiée et compétitive, elle reste très mal connue à l’extérieur. Le premier Salon international des services à l’exportation (Sise’2004), qui s’est tenu les 2 et 3 décembre au Parc des expositions du Kram, dans la banlieue nord de Tunis, a essayé de combler cette lacune.
Ce salon, qui a accueilli près de 1 000 visiteurs, dont 200 patrons d’entreprises exportatrices locales, 300 décideurs africains (ministres, chefs d’entreprises, présidents de chambre de commerce, consultants…), ainsi que des représentants de bailleurs de fonds opérant en Afrique (Banque mondiale, Banque africaine de développement, coopération allemande…), a été conçu comme une vitrine du savoir-faire tunisien dans six secteurs : ingénierie (bureaux d’études, bâtiments et travaux publics, architecture…), nouvelles technologies, formation des ressources humaines (universités privées, formation professionnelle, édition…), finance (banque, assurance, leasing, négoce…), santé (cliniques privées, installations d’équipements médicaux…) et infrastructures et équipements de base (eau, électricité, télécommunications, environnement…).
Selon Farid Tounsi, PDG du Centre de promotion des exportations (Cepex), coorganisateur du salon, avec l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica, patronat), deux raisons ont présidé au choix de l’Afrique comme région cible. « D’abord, une étude du Centre du commerce international [CCI] nous a recommandé de porter une attention particulière au marché subsaharien, qui offre un potentiel important en matière de services. Deux : pour mieux répondre aux défis de la mondialisation, notre pays cherche à développer sa coopération avec les ensembles régionaux, et surtout avec l’Afrique. »
La Tunisie est liée par des accords commerciaux avec quatorze pays subsahariens. Après avoir signé avec la Guinée un accord de franchise totale des droits de douane pour tous produits, elle négocie actuellement des accords similaires avec les pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa), et ceux des autres groupements régionaux (Cedeao, Comesa, SADC et Ceac).
La Tunisie exporte vers les pays subsahariens des produits agroalimentaires, chimiques et électroniques, ainsi que des matériaux de construction, et en importe essentiellement des matières premières (cacao, coton, bois, café). Ses principaux clients sont le Niger (16,2 % des exportations vers la région en 2003), le Sénégal (15,8 %), le Burkina (9,5 %), l’Afrique du Sud (8,4 %) et la Côte d’Ivoire (8,3 %). Cette dernière, principal fournisseur subsaharien de la Tunisie, assure 35,4 % de ses importations en provenance de la région. Suivie de l’Afrique du Sud (14,5 %), du Cameroun (12,4 %) et du Mali (10,3 %).
Bien qu’ils aient été multipliés par 3,7 en l’espace d’une douzaine d’années, passant de 84,5 millions de dinars en 1991 (1 dinar = 0,61 euro) à 312 millions de dinars en 2003 (contre 1,6 milliard de dinars pour l’ensemble du continent, pays du Maghreb compris), les échanges entre la Tunisie et les pays subsahariens restent très modestes : ces derniers n’absorbent que 0,9 % des exportations tunisiennes et ne fournissent que 0,6 % de ses importations.
Il existe, de part et d’autre, une volonté politique de développer ces échanges, mais ces derniers sont handicapés par des facteurs objectifs, notamment la faiblesse des réseaux de transport – pour rejoindre telle ou telle capitale africaine, les hommes d’affaires tunisiens sont souvent contraints de passer par Paris ou Londres, et vice versa -, les conflits persistants dans certains pays, mais aussi les situations héritées du passé. Ainsi, l’essentiel des relations économiques des pays africains s’effectue encore avec les anciennes puissances coloniales.
L’ouverture par Tunisair d’une liaison aérienne bihebdomadaire entre Tunis et Dakar, puis entre Tunis, Abidjan et Bamako, l’achèvement des tronçons manquants de la grande route transsaharienne (3 500 km déjà réalisés sur les 4 800 prévus) et l’inauguration prochaine de liaisons maritimes entre La Goulette et quelques ports d’Afrique de l’Ouest devraient doper les flux commerciaux dans les deux sens.
Aujourd’hui, près de cinq cents ingénieurs, techniciens et experts tunisiens travaillent sur le continent. Ils ont assisté, par exemple, la Mauritanie dans l’informatisation de son administration publique, la mise en place d’un réseau de téléphonie mobile, la création de centres de formation professionnelle et la formation des magistrats pour la Cour des comptes. Ils ont contribué également à la restructuration du secteur de l’éducation à Djibouti, à la formation des intervenants pour la santé animale et la réalisation d’un grand barrage au Burkina, à la réhabilitation la Banque centrale du Rwanda, à la réalisation de travaux ferroviaires au Mali et au Cameroun. De nombreux bureaux d’études (Comete Engineering, Studi et Scet), et entreprises de travaux publics (notamment la Société Bouzguenda Frères) sont très actifs (et souvent très appréciés) au sud du Sahara. De même, beaucoup de cadres subsahariens suivent des stages de formation en Tunisie dans des domaines aussi divers que la comptabilité publique, l’agriculture, la pêche, la planification scolaire, la lutte contre la désertification, la santé, la marine marchande et l’informatique financière. Last but not least, plus de 1 000 étudiants subsahariens sortent diplômés, chaque année, des universités tunisiennes.
« On ne peut pas développer de la même manière l’exportation de biens et de services. S’agissant des biens, l’arbitrage, en cas de litige, est facile. Dans le cas des services, qui sont du domaine de l’intangible et de l’immatériel, l’arbitrage est plus difficile. La confiance reste donc le maître mot. Or celle-ci est tributaire d’une meilleure connaissance réciproque », explique Slim Chaker, commissaire général du Sise’2004. Qui ajoute : « Malheureusement, entre Africains, on se connaît mal ou pas assez. Comment pourrions-nous avoir des relations de confiance et construire quelque chose de durable ? L’objectif principal de ce salon, dont la seconde édition se tiendra en juin 2006, est de créer des réseaux entre les acteurs économiques du nord et du sud du Sahara. » Les contrats d’affaires suivront d’eux-mêmes.

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