Vos lettres ou courriels sélectionnés

Publié le 12 novembre 2006 Lecture : 6 minutes.

Des images d’exécution en Irak insoutenables
– Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer l’admiration que j’ai pour Béchir Ben Yahmed, sa manière de dire les choses, la justesse de son opinion, bref, la qualité de son travail de journaliste. Depuis ma prime jeunesse, ses propos sont pour moi une référence. À présent, venons-en au motif principal de cette correspondance : il y a quelques jours, j’ai eu le malheur de visionner la vidéo de l’exécution d’un Américain au début de la deuxième guerre d’Irak. Je n’ai pas pu la regarder jusqu’au bout tant les images étaient d’une rare cruauté. Je suis resté traumatisé par cette exécution et j’ai ressenti en même temps une grande pitié pour les bourreaux. Conscient de ne pas vraiment comprendre les enjeux politico-économiques de notre époque, j’arrive néanmoins à me forger ma propre opinion sur la manière d’agir de certaines personnes. Mais, dans ce cas-là, je ne comprends pas… Je ne comprends pas ce qui peut pousser un homme à agir ainsi. Que signifie toute cette violence ? Comment des êtres humains peuvent-ils en arriver à de telles extrémités ? Je fais confiance à votre jugement.
Adam Saïd, Figuil, Cameroun

Gloire et indigence d’un footballeur
– J’ai beaucoup apprécié l’article de Faouzi Mahjoub au sujet de la disparition d’Eugène Njo-Léa, grand footballeur s’il en était (J.A. n° 2390). Cependant, j’ai été surpris qu’il n’ait pas mentionné qu’il était aussi le père de l’ex-footballeur William Njo-Léa (RC Lens entre autres). Cet homme, malgré quelques maladresses, a au moins eu le mérite d’avoir osé lancer des chantiers qui, hélas ! n’ont pu voir le jour. Quarante-cinq ans après la création de l’UNFP, où en est l’Afrique sur ce plan ? Trente-trois ans après sa tentative de « professionnalisation » d’un club par pays, où en sommes-nous ? Quand on voit des ministères s’ingérer dans la gestion des clubs, des fédérations nationales de football, pas étonnant qu’on végète encore. Le plus triste, c’est de voir que ce sont l’AFC et l’UNFP qui ont pris en charge ses frais d’hospitalisation. Encore un qui a connu la gloire et qui meurt dans l’indigence. Adieu Eugène !
Obambé Gakosso, Gisors, France

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Les guérisseurs du sida
– J’ai lu l’article « Mention Bien. Sida : il faut donner le pouvoir aux femmes » (J.A. n° 2387) reprenant les propos de Bill Gates dans The Independent : j’ai peur que Monsieur Gates – à qui je voue une grande gratitude pour son action – ne connaisse pas la mentalité africaine et les coutumes de ses communautés. En décembre 2002 j’ai eu l’honneur d’assister au Crocep de Kayes. Le Crocep est organisé tous les ans dans chaque région administrative du Mali et permet aux médecins de faire le point sur leurs réalisations et sur ce qu’ils n’ont pas pu faire (la plupart du temps, faute de moyens), et j’y ai entendu des propos ébouriffants. À cette réunion assistait aussi le représentant des guérisseurs de la région, et c’est lors de son exposé que j’ai eu très peur pour la société africaine. En effet, ce monsieur et ses confrères savent, eux, « guérir » les malades du sida ; « les hommes porteurs du VIH et qui ne le savent pas n’ont rien à se reprocher si une femme avec qui ils ont eu des rapports sexuels se trouve contaminée, cela vient d’elle et non de cet homme… » Ce serait trop long de rapporter ici toutes les inepties que nous avons pu entendre, mais cela fait peur quand on sait l’influence que les guérisseurs peuvent avoir. Je ne suis ni médecin ni spécialiste, je suis un simple citoyen français, mais je sais ce que je risque si j’ai des rapports sexuels avec une partenaire sans me protéger. Arriver à faire admettre cela à mes amis d’Afrique sera un travail de longue haleine, mais j’espère que, ensemble, nous y arriverons avant que cette maladie ne décime tout le continent.
Christian Boiron, Paris, France

Afrique marron
– Lecteur régulier depuis vingt ans, je voudrais saluer le journal Jeune Afrique et le féliciter pour sa qualité, sa longévité et son retour aux sources. Je me souviens d’une lointaine discussion à propos des « races » avec un ami qui me dit : « Les Indiens, même s’ils ont la peau noire, appartiennent à la race blanche. » Cette affirmation m’a marqué. Je rejoins Lilian Thuram qui note que tout ce qui est noir a une connotation négative, et je propose de changer l’appellation des populations « noires » en « marron ». Voici mes arguments : Tout ce qui est mauvais est noir (mauvais jours, mauvaises pensées et même le diable !). Le noir est une couleur unique et ne possède pas de variantes, à la différence du marron qui peut être clair, foncé, etc. tout comme les peuples ! On continue à mettre dans un même moule, sans aucune distinction, les peuples « noirs ». La force d’influence des médias est telle qu’ils ont réussi à faire adopter de nouvelles appellations : on est ainsi passés de pays « sous-développé » à pays « en voie de développement », de « sidéens » à « personnes vivant avec le VIH », de « race » à « population », etc. Je propose donc que les médias utilisent désormais le terme « marron » au lieu de « noir » pour designer les populations à peau basanée. Conceptualiser équivaut à mettre en langage. Cela prendra du temps, sonnera bizarrement au début mais cela me semble indispensable. Jeune Afrique ayant une orientation vers l’Afrique noire, euh marron, devrait être le premier média à donner l’exemple. Pour sûr, il faudra également changer l’appellation des autres populations (blanches, jaunes), mais c’est une autre histoire.
Dr Benjamin Jr Fouda, Yaoundé, Cameroun

Laïcité n’est pas apostasie
– J’ai beaucoup apprécié l’article de Fawzia Zouari (J.A. n° 2388) qui parle du retour du voile en Tunisie. Elle a bien analysé le phénomène. Beaucoup de gens confondent laïcité et apostasie. La laïcité signifie séparation entre la religion et l’État. L’apostasie est le reniement public de sa foi religieuse. À ceux qui considèrent que la Tunisie a renié son islam, je dis que ça n’a jamais été le cas. Lorsque Habib Bourguiba a promulgué le code du statut personnel (CSP) en 1956, il s’est largement inspiré du Coran. Le CSP a émancipé la femme, mais il n’a pas instauré l’égalité entre hommes et femmes devant l’héritage malgré les appels incessants d’associations féministes (J.A. n° 2387). Beaucoup de Tunisiennes considèrent l’interdiction du voile comme un fardeau imposé par les autorités et refusent de le considérer comme un geste libérateur. Ces femmes ne savent pas qu’avec leur voile elles sont le vecteur du retour à l’islamisme radical dont la Tunisie a souffert durant une période récente de son histoire, et que, paradoxalement, elles seront les premières à en payer les conséquences à long terme. J’admets que ces femmes ne sont pas seules responsables. Elles se tournent vers les chaînes intégristes orientales et sont séduites par les prédicateurs obscurantistes. À ces femmes, je dis : « Lisez les livres des penseurs progressistes comme Mohamed Talbi au lieu de suivre à la lettre les instructions des salafistes. » L’islam pratiqué dans les Balkans, par exemple, est l’un des plus tolérants au monde. Cet islam est le résultat du rapprochement entre religion orientale et culture occidentale.
Habib Sassi, Le Kef, Tunisie

Des peurs et un ascenseur
– Quand la France a peur, elle légifère. Nicolas Sarkozy le sait et surfe allègrement sur la vague : pas moins de trois lois sur la sécurité depuis 2002. À chaque crise des banlieues, toujours des réponses policières à des problèmes dont les causes sont d’abord sociales et économiques. Aucune loi n’éliminera un « poison social ». La discrimination positive à l’américaine, chère à Sarkozy, ne viendra pas à bout de la discrimination tout court ! Seul un durable et profond changement des mentalités peut y parvenir. À l’origine de la discrimination, l’amalgame. Il est le terreau du racisme quand la seule différence devient critère de rejet, la peur de l’autre se fige en haine ou tient lieu de mode de pensée. Un tel cocktail nuit à la santé de la société française et grippe les rouages de l’ascenseur social de l’intégration made in France Il serait même, ironise l’humoriste Jamel Debbouze, bloqué au sous-sol ! La méthode du testing – une technique pratiquée par SOS racisme pour traquer les « discriminations » – a été utilisée dans une étude menée par l’Observatoire des discriminations (voir France Soir du 19 mai 2004). Elle a révélé qu’à diplôme égal un Maghrébin a cinq fois moins de chances de décrocher un entretien d’embauche qu’un Français dit « de souche ». Quant au travail convoité, il suffit de regarder la « couleur » de la France qui chôme. « Double France », pourrait ironiser un jour le chanteur Rachid Taha
Ali Darhlal, Talence, France

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