Quand les hommes étaient de la marchandise

Publié le 12 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Longtemps réduits à la portion congrue dans l’enseignement de l’histoire aussi bien que dans le débat public (l’un expliquant l’autre), l’esclavage et la traite des Noirs commencent à trouver l’écho éditorial qu’ils méritent. En 2005, le phénomène a été occulté par la polémique autour de l’ouvrage d’Olivier Pétré-Grenouilleau Les Traites négrières. Essai d’histoire globale (Gallimard). Certaines associations ont reproché à l’auteur, qui a pourtant reçu le soutien d’historiens de renom, d’avoir délibérément mis l’accent sur la responsabilité propre des Africains dans ce commerce honteux.
Alors que toute une série de livres, apportant chacun un éclairage particulier, avaient été publiés à l’occasion de la Journée des mémoires de l’esclavage et de ses abolitions, le 10 mai dernier (voir « La vie des livres », J.A. n° 2364), c’est un ouvrage d’une ampleur considérable qui paraît aujourd’hui dans la collection Bouquins. Publié en anglais en 1997, La Traite des Noirs(1) de Hugh Thomas retrace chacune des étapes de la déportation transatlantique, depuis les premières razzias des Portugais en Afrique noire, vers 1440, jusqu’à l’abolition générale de l’esclavage à la fin du XIXe siècle. Pour l’historien britannique, si l’histoire de la traite est inextricablement liée à celle de l’Occident et de son développement économique, la campagne visant à l’abolir fut aussi la première grande cause humanitaire internationale.
Plus modeste dans son volume sans pour autant manquer d’ambition dans son propos, l’Atlas des esclavages(2) que publient les éditions Autrement offre un vaste panorama d’un phénomène qui remonte à la nuit des temps. Dans l’Égypte pharaonique, chez les Hébreux comme chez les Grecs, dans les empires précolombiens aussi bien qu’en Asie du Sud-Est, il n’est pas de société antique qui n’ait connu le travail servile. Sous des formes diverses, on le retrouve dans les empires perse, arabe puis ottoman, ainsi que dans l’Europe médiévale. Le XVIe siècle et la colonisation des Amériques par les Européens marquent toutefois une rupture importante. Entre 12 et 15 millions d’êtres humains seront arrachés au continent africain pour satisfaire les besoins des plantations.
Cette traite atlantique qui, à de nombreux égards, a changé la face du monde est au cur de l’ouvrage de Marcel Dorigny et Bernard Gainot. Plus d’une centaine de cartes et d’infographies permettent d’en saisir toutes les dimensions. Les différentes filières, les sociétés esclavagistes, les révoltes, le marronnage, les États négriers en Afrique, l’abolitionnisme du XIXe siècle, etc. : tous ces points sont traités de façon aussi claire que précise et, surtout, à la lumière des connaissances historiques les plus récentes. On n’ose parler de plaisir de lecture pour un sujet aussi grave.

1. La Traite des Noirs (1440-1870), de Hugh Thomas, traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve, éditions Robert Laffont, « Bouquins », 1056 pp., 30 euros.
2. Atlas des esclavages, de Marcel Dorigny et Bernard Gainot, éditions Autrement, 80 pp., 15 euros.
Voir aussi le n° 67 (« Esclavage : enjeux d’hier à aujourd’hui ») de la revue Africultures, éditiée par L’Harmattan.

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