Le « retour » des banques de développement

Publié le 12 novembre 2006 Lecture : 4 minutes.

Pour la première fois, sans doute, depuis le temps des indépendances, il se produit, au niveau de la communauté internationale, une prise de conscience réelle et globale de l’ampleur des problèmes de l’Afrique. De là, une intense mobilisation en sa faveur : depuis la Conférence du millénaire des Nations unies, en 2002, qui a fixé à la communauté internationale des objectifs ambitieux en termes de réduction de la pauvreté d’ici à 2015, jusqu’au dernier sommet du G8, qui a réaffirmé l’engagement des pays riches à consacrer davantage de ressources au développement des plus pauvres, sans oublier l’année 2005 décrétée « Année du développement », toutes les énergies se sont réunies en faveur de la même cause : le combat contre la pauvreté.

Pour autant, rien n’est joué. La preuve a été largement faite, en particulier, qu’entre les bailleurs de fonds internationaux, tels que la Banque mondiale, et les projets à financer sur le terrain, les institutions financières locales ont à jouer un rôle absolument déterminant. Au cours des quarante années écoulées, ces institutions ont été, pour l’essentiel, les banques de développement, dont s’étaient dotés, au début des années 1960, des pays qui venaient tout juste d’accéder à la maîtrise de leur destin.
Malheureusement, les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des espérances : si des milliards de dollars ont, certes, été investis en Afrique par l’intermédiaire des banques de développement, ils l’ont été, trop souvent, en dehors des règles rigoureuses qui auraient dû présider autant à la définition et à la sélection des projets à financer qu’à la saine gestion des investissements consentis.
Aujourd’hui, à la lumière des remises en question et des expériences vécues, tant du côté des théoriciens du développement que des dispensateurs et des bénéficiaires de l’aide, une double conviction s’impose :
– L’aide au développement doit être redéfinie, car de nouvelles exigences s’imposent à tous les acteurs, notamment en matière sociale, environnementale, etc.
– Le rôle de son « bras armé » sur le terrain – la banque de développement – doit être repensé.
Il s’agit en fait, ni plus ni moins, de relancer l’immense chantier du développement sur des bases plus saines et plus efficaces.
C’est dans cet esprit que deux conférences ont été organisées en 2006 : l’une rassemblait à Ouagadougou bailleurs de fonds, experts, dirigeants africains et ONG, sous l’égide du groupe de la Banque africaine de développement et de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA). L’autre s’est tenue à Paris sur le thème « Repenser le rôle des banques de développement en Afrique ».

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Tous les observateurs sont d’accord pour désigner l’obstacle numéro un au développement en Afrique : le manque d’infrastructures. À l’heure où l’intégration régionale s’impose comme une nécessité absolue, l’infrastructure fait figure de « chaînon manquant » de la stratégie du développement sur le continent : sans infrastructures, comment développer ? Comment relier ? Comment intégrer ? Et sans intégration, comment développer ?
Or il ne peut y avoir d’intégration régionale en Afrique sans infrastructures de transport, de communications et de production d’énergie, capables de créer des emplois, d’accroître les richesses et de faciliter la libre circulation des personnes et des biens. Dans ce domaine, le Projet gazier de l’Ouest, auquel participent, dans le cadre d’un partenariat public-privé, le Ghana, le Nigeria, le Togo et le Bénin ainsi que, éventuellement, le Sénégal et la Côte d’Ivoire – apparaît comme un exemple qui devrait faire des émules.

La Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) apporte sa pierre à l’édifice, par exemple en participant au financement du barrage hydroélectrique de Memve’ele, au Cameroun, qui profitera également à la Guinée équatoriale et au Gabon, ou en appuyant des projets sous-régionaux d’importance : celui du Pool énergétique de l’Afrique centrale (PEAC), qui réunit douze projets d’échanges énergétiques transfrontaliers, et celui du Plan directeur consensuel de transports en Afrique centrale (PDCT-AC), qui implique onze pays et englobe près de deux cents projets et études dans le domaine des infrastructures de transport.
Aujourd’hui, pour assurer sur le terrain le relais des bailleurs de fonds internationaux et travailler aux études, au lancement et au suivi de ces projets d’infrastructures, ce sont les banques de développement, revenues des erreurs du passé, qui se révèlent les institutions les mieux indiquées. Parce que leurs exigences en termes de gouvernance d’entreprise, de solidité financière, de prudence opérationnelle et de rigueur dans la gestion se sont élevées, le plus souvent, au niveau de celles des grands établissements internationaux. Et parce qu’elles entretiennent avec les opérateurs économiques sur le terrain, directement ou par l’intermédiaire des banques locales, d’irremplaçables relations de proximité. Qui plus est, en multipliant leurs implantations à l’échelle nationale ou régionale et en diversifiant les services qu’elles rendent à leurs clients, elles tendent à s’en rapprocher davantage encore et à mieux les assister dans la gestion des fonds qu’elles leur ont avancés.

Selon les estimations de la CEA, le développement des infrastructures en Afrique coûtera 20 milliards de dollars par an. Qu’on le veuille ou non, le rôle des institutions internationales de financement du développement – parmi lesquelles le Groupe de la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement (BEI), l’Agence française de développement (AFD), etc. – restera donc encore longtemps irremplaçable. Quant aux banques de développement, régionales et sous-régionales, elles ont aujourd’hui les ressources humaines et techniques pour les seconder utilement, dans l’esprit qui a présidé à leur création et qui, en 2006, anime toujours leurs dirigeants.

* Président de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC), ancien Premier ministre de la République centrafricaine.

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