Peut-on affamer un peuple au nom de la démocratie ?

Publié le 12 octobre 2008 Lecture : 2 minutes.

La Mauritanie est menacée de « sanctions » graves, qui se traduiraient par la suppression de financements importants – on parle de centaines de millions de dollars – pour des projets destinés à améliorer les conditions de vie des populations. On hypothéquerait ainsi le présent et l’avenir d’un peuple : une catastrophe humanitaire dans l’immédiat (les populations de certaines régions étant déjà au bord de la famine) et une régression durable pour les survivants. Tout cela pour obliger les dirigeants à « rétablir la démocratie ». Justification inacceptable pour deux séries de raisons :
– Ce genre de mesure ne constitue pas une sanction appropriée contre les dirigeants, mais une punition collective contre un peuple, forcément innocent.
– Ce qui s’est passé le 6 août dernier divise les Mauritaniens. Pour les uns, il s’agit d’un coup d’État contre un président élu démocratiquement, qu’il faut « rétablir dans ses fonctions » sans délai. Pour les autres, il s’agit d’un changement « rectificatif » destiné à restaurer la démocratie mise à mal par l’ex-président.

La communauté internationale condamne par principe tout changement de pouvoir par des voies non démocratiques. Nous aussi. Mais elle ne peut faire fi de l’opinion des premiers intéressés, c’est-à-dire des Mauritaniens. Tous souhaitent le retour à un fonctionnement normal des institutions. Mais une très forte majorité soutient le « changement rectificatif » du 6 août et l’organisation d’une élection présidentielle dans un délai raisonnable. Cette majorité s’est exprimée massivement à travers tout le pays par des manifestations et par la voix de la quasi-totalité des élus : plus des deux tiers des députés, des sénateurs, 90 % des maires Tous soutiennent la « feuille de route » proposée par le Parlement pour servir de base à une sortie de crise consensuelle grâce à un débat ouvert à tous sans exception.
Aucun camp n’a « le monopole du cur », ni celui des convictions démocratiques. Ainsi, le camp minoritaire, qui compte beaucoup moins d’élus, réunit-il des partis connus pour leur dynamisme et certains démocrates convaincus. Comment peuvent-ils justifier l’appel à des punitions collectives aussi graves ? Qui veulent-ils faire profiter de la démocratie ? Des citoyens libres, soignés et éduqués, ou des cadavres et des éclopés ? Je respecte leur opinion, mais il me semble qu’ils ne perdent rien à accepter le dialogue proposé, sans préalable, par les parlementaires et dont pourrait émerger la meilleure sortie de crise possible dans l’intérêt du peuple mauritanien et de la démocratie !

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