Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi

Découvreurs, il y a vingt-cinq ans, du VIH-sida

Publié le 12 octobre 2008 Lecture : 3 minutes.

L’attribution du prix Nobel de médecine, le 6 octobre, aux Français Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi pour la découverte du virus du sida en 1983 (et à l’Allemand Harald zur Hausen pour ses travaux sur le cancer du col de l’utérus) est un événement. Parce que c’est la première fois depuis 1980 et la récompense décernée au Pr Jean Dausset, découvreur du système HLA, que la France est ainsi distinguée, mais aussi, et surtout, parce que l’actuelle pandémie de VIH, le virus de l’immunodéficience humaine, est la plus grave et la plus tragique depuis la Peste noire qui dévasta l’Europe au XIVe siècle. Depuis une vingtaine d’années, le sida a fait plus de 25 millions de morts et 33 millions de séropositifs.
Sans doute peut-on regretter que le Pr Jean-Claude Chermann n’ait pas été associé à ce prix. Il compte pourtant parmi les codécouvreurs officiels du virus, et son nom est cité dans tous les brevets. Il semble que, conformément à ses statuts, le jury de l’Académie royale suédoise des sciences ne puisse décerner le prix qu’à trois lauréats
Cette récompense attribuée aux découvreurs du VIH a une importance toute particulière pour l’Afrique, principale victime de l’épidémie.
« L’Afrique d’abord » : c’était le titre de la grande interview de Luc Montagnier publiée par Jeune Afrique dans son n° 1903 (juin 1997). Il avait alors 65 ans, et le couperet de la retraite venait, absurdement, de tomber sur lui. Cette injustice ne l’a pas empêché de continuer ses travaux et son combat.
Né à Chabris, dans l’Indre, il a fait de brillantes études de médecine et de sciences, avant de créer en 1972 l’unité d’oncologie virale du nouveau département de virologie de l’Institut Pasteur. À Pasteur, il restera trente ans. Mais il n’a jamais craint de s’aventurer au-delà de son laboratoire et de prôner par exemple, au Vatican même, l’usage des préservatifs masculins contre la propagation du sida. Il n’a pas hésité non plus, en 2005-2006, à prendre la défense des infirmières bulgares retenues prisonnières en Libye, sous l’accusation absurde d’avoir inoculé le virus du sida à des enfants.
Moins connue du grand public, Françoise Barré-Sinoussi, 61 ans, aujourd’hui responsable du site Asie du Sud-Est de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS), est probablement la première personne au monde à avoir vu le virus. Au début de 1983, elle travaille dans l’unité du Pr Chermann, dans le département de Montagnier. Un jeune médecin, Willy Rozenbaum, qui suit dans son service des homosexuels atteints d’une maladie mystérieuse, demande à ce dernier les conseils d’un rétrovirologue. « Montagnier et Chermann m’ont proposé de donner un coup de sonde pour voir si l’hypothèse d’un rétrovirus tenait, a raconté Barré-Sinoussi au quotidien Libération. Quand j’ai vu qu’il y avait quelque chose, la première fois, je n’ai rien dit à personne. »
La suite est connue. Le « quelque chose » a déclenché un énorme effort de recherche qui a abouti à la mise au point des médicaments antirétroviraux, qui sauvent chaque jour des millions de vies. Non sans procès et polémiques. La plus célèbre a opposé pendant dix ans l’équipe Montagnier à celle de l’Américain Robert Gallo, star de la virologie, qui prétendait avoir découvert le vrai virus. En 1994, les Instituts nationaux de la santé américains trancheront : la vraie découverte est bien française. Le jury du Nobel a confirmé.
À l’annonce de la nouvelle, Françoise Barré-Sinoussi était en mission au Cambodge. Luc Montagnier en Afrique, forcément, à Abidjan. « Ma première réaction, a-t-il déclaré, c’est de penser à tous les malades du sida, à tous ceux qui sont toujours en vie et qui se battent contre la maladie. Je suis toujours à leur côté. Les chercheurs doivent continuer à travailler parce que le sida n’est pas guéri. On le voit ici. Le sida est toujours là, et donc le combat continue. »

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