Le fardeau de la femme noire
Les Mémoires de Maya Angelou paraissent enfin en français. Retour sur une existence vouée à la cause afro-américaine.
Personnage emblématique du militantisme afro-américain, Maya Angelou a tout été dans sa vie. Chanteuse, danseuse (dans le spectacle Porgy and Bess de George Gershwin), écrivaine, productrice, enseignante, serveuse, journaliste, maquerelle, stripteaseuse, actrice, beatnik C’est cette vie bien remplie que la grande dame – elle mesure 1,83 m – raconte.
Son autobiographie, Tant que je serai noire, paraît pour la première fois en français. La version originale date de 1981. Née en avril 1928 à Saint Louis, dans le Missouri, elle retrace son parcours à partir de 1957. Aux États-Unis, la lutte des Noirs pour leurs droits civiques bat son plein. Maya Angelou, convaincue qu’elle ne sera pas une grande chanteuse, décide de se consacrer à l’écriture. Elle quitte la Californie pour New York.
Mais ne devient pas écrivain qui veut. Surtout quand il s’agit d’une femme élevant seule un adolescent et dont les fins de mois sont difficiles. New York sera surtout pour Maya Angelou un lieu de rencontres inattendues. Comme celle avec le pasteur Martin Luther King.
Fascinée par le charisme de King, la jeune femme s’engage dans la lutte pour les droits civiques. Avec ses amis, elle monte un spectacle en vue de récolter des fonds pour la Southern Christian Leadership Conference (SCLC), fer de lance du mouvement des droits civiques. Elle sera même coordonnatrice du bureau de l’organisation à Harlem.
En 1961, après l’assassinat du Premier ministre congolais Patrice Lumumba, avec une poignée de ses amis, elle décide d’aller manifester au siège des Nations unies, à New York. La manifestation prend de l’ampleur, car c’est tout Harlem qui proteste. C’est au cours de cette période que Maya Angelou rencontre un Sud-Africain, Vusumzi Make, représentant du Pan-African Congress, mouvement antiapartheid rival du Congrès national africain (ANC). Un coup de foudre se produit et s’ensuit une vie en couple. Mais la désillusion vient tout remettre en question. Installé au Caire, où la jeune femme trouve un poste de rédactrice en chef adjointe à l’Arab Observer (sans jamais avoir été journaliste de sa vie), le couple se sépare.
Direction le ghana
Avec son fils, Maya Angelou prend la direction du Ghana. En cette année 1962, elle est surprise de voir des pilotes et des commandants de bord noirs à l’aéroport d’Accra. Alors que la même année, constate-t-elle, aux États-Unis, « berceau de la démocratie, les Noirs employés dans les aéroports ravitaillaient les appareils, nettoyaient les cabines ou transportaient la nourriture ».
Tant que je serai noire est un livre plein de sincérité et d’anecdotes, où l’on rencontre les personnages qui ont marqué le XXe siècle afro-américain. Angelou se dévoile sans fausse pudeur ni hypocrisie. Elle ne cache ni ses blessures amoureuses ni ses angoisses existentielles. Elle porte surtout des douleurs éternelles, comme ce manque d’une réelle vie familiale.
Une sorte de malédiction qui la poursuit depuis la séparation de ses parents et l’échec de son propre mariage. Un vide aggravé par l’absence de la figure du père. Il y a surtout le lourd fardeau de l’esclavage enduré par ses ancêtres et le poids du racisme qui la poussent à se méfier des Blancs tout en renforçant ses propres préjugés. La rencontre avec l’Afrique apparaît comme un salut, une renaissance. Maya Angelou a aujourd’hui 80 ans.
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