Ayo a trouvé la paix

Après le succès en 2006 de Joyful, la chanteuse afro-allemande revient avec Gravity at Last. Un second album, plus abouti, dans lequel elle panse ?les plaies de son enfance. Portrait.

Publié le 12 octobre 2008 Lecture : 4 minutes.

Avec plus de 900 000 exemplaires écoulés dans le monde, dont 450 000 en France, depuis 2006, son premier album, très acoustique, avait fait un tabac. Un folk dépouillé, teinté de blues et de reggae, chanté en anglais, et qui nous conviait dans l’intimité de la jeune femme. Il s’intitulait Joyful. Joy est le vrai prénom (Joy Olasunmibo) d’Ayo, qui signifie « joie » en yorouba.
À 28 ans, elle présente son second disque, Gravity at Last. Compagne du reggaeman Patrice, comme elle métis afro-allemand, Ayo est mère d’un petit Nile de 2 ans et demi, qui a changé sa vie. Et le sourire qui illumine son visage en cette fastidieuse journée promo chez Universal, à Paris, en ferait presque oublier l’enfance troublée de cette fille d’un père nigérian et d’une mère rom, née près de Cologne, en Allemagne.
Une mère héroïnomane, un père jugé inapte, à qui l’on a enlevé à plusieurs reprises ses enfants. L’orphelinat, une famille d’accueil « horrible » « C’est la maternité et mon fils qui font remonter ces histoires, qui me font repenser à moi-même quand j’étais petite, témoigne-t-elle. Je peux être très négative parfois Ça m’arrive d’avoir le blues. C’est ce que j’ai voulu exprimer à travers ce nouvel album. » Pourtant, on se rend vite compte qu’Ayo est de ceux qui savent garder la fraîcheur et l’enthousiasme de leur jeunesse, même si la vie les a forcés à grandir trop vite.

De Brooklyn aux Bahamas
Il est beaucoup question, en effet, de cette enfance difficile dans Gravity at Last. Libérée par le succès, Ayo règle ses comptes avec un passé qui la poursuit encore. « Mes parents essaient toujours de me contrôler. Aujourd’hui, je suis maman. Je ne suis plus une petite fille, et je chante ce dont j’ai envie de parler. » Dans « Mother », elle revient sur ses relations compliquées avec sa mère. Si, petite, elle l’a vue sombrer dans les affres de la drogue, la jeune femme aborde le sujet aujourd’hui avec distance, mais sans complaisance. « J’aime vraiment ma mère, alors ça fait très mal de la voir comme ça. J’ai fini par l’accepter, je me suis habituée, ça fait plus de vingt ans maintenant. Mais qu’elle fasse encore du mal à ma sur et à mes frères, c’est difficile. »
Dans « Better Days », Ayo évoque son père, ingénieur et collectionneur de vinyles, qui travailla comme DJ pour financer ses études en Allemagne. C’est avec lui qu’elle a découvert Bob Marley, Donny Hathaway « C’est lui qui croyait en des jours meilleurs Ça n’a jamais été moi. » Une franchise qui, si elle exorcise de vieux démons, contribue peut-être à l’éloigner un peu plus encore de sa famille. « Je crois qu’ils n’ont pas aimé cet album, ça fait quelques mois que nous ne nous sommes pas parlé. Mais j’essaie de communiquer avec eux sur ce disque. La musique est la seule chose qui a la force de nous toucher vraiment, directement au cur. C’est à eux d’écouter ça : le jour viendra où ils comprendront. »
Mais tout n’est pas si sombre dans Gravity at Last. Son titre l’affirme assez clairement. La belle dit avoir enfin trouvé l’équilibre, avec sa petite famille, qui a rejoint Brooklyn voici un an. Et les morceaux introspectifs (« Lonely », « What’s This All About ? ») laissent aussi la place à d’autres, plus optimistes (« Change », « I Am Not Afraid »). Et, musicalement, elle revient avec un propos plus abouti, comme une synthèse des musiques qui ont bercé son enfance. Des influences tirées du blues, du folk et du reggae, condensées dans des chansons simples, pop.
Les morceaux ont été enregistrés au mythique studio Compass Point du label Island, aux Bahamas, où sont passés en leur temps Bob Marley et les Wailers, Gainsbourg, les Rolling Stones, Björk Le tout en cinq jours, pour conserver toute la spontanéité. « Je n’écris jamais pour faire un disque, je ne veux pas rentrer dans ce système, confie-t-elle. Je déteste la pression, c’est important de rester libre. Ce n’est pas le succès qui importe. Je vivais ma vie avant de faire des disques. J’écris vraiment pour moi, c’est quelque chose que personne ne peut me prendre. Sauf Dieu, peut-être. »
Au-delà, Gravity at Last est servi par une production sans faille. Sans doute parce que la chanteuse a su s’entourer d’une nouvelle équipe, pour donner de la profondeur à ses nouvelles compositions. L’album est, comme le précédent, réalisé par Jay Newland (producteur de Norah Jones). Et, en invités de marque, on retrouve Lucky Peterson (claviers) et Larry Campbell, guitariste, entre autres, de Bob Dylan.

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Nouveaux musiciens
En arrivant à New York, Ayo a pourtant dû tirer un trait sur ses années parisiennes, ses débuts avec Stéphane Castry et Michaël Désir, tous deux également croisés aux côtés de Keziah Jones. « Ça m’a fait très mal de les quitter, commente-t-elle. Michaël était comme mon frère. Mais mes nouveaux musiciens sont magnifiques. C’est important de changer, ce sont aussi les musiciens qui nous font avancer. »
On attend encore le programme de la tournée, qui démarrera début 2009 par trois soirées à l’Olympia, mais on sait déjà qu’elle devrait mener Ayo et son équipe aux quatre coins du monde. En Afrique en particulier : « On devrait jouer à Lagos, mais pas seulement. Ça me fait très plaisir et ça me donne de la force. Je vois l’Afrique comme un continent très riche, par sa spiritualité notamment », commente-t-elle. Ses origines africaines ? « C’est une chose naturelle, j’ai grandi avec mon père nigérian, et, dans ma musique, certains rythmes viennent d’Afrique. Mais je n’y pense pas vraiment, je les porte naturellement en moi. »
Tout de même, cette terre lui manque. « C’est au Nigeria que j’ai appris à mieux me connaître », se souvient-elle. Au point, même, d’idéaliser un peu le continent de ses ancêtres. « La couleur de la peau n’est pas importante, et tous ceux qui vont en Afrique peuvent sentir la force que ce continent dégage. J’y crois vraiment, c’est quelque chose de bizarre, qui nous fait comprendre que la vie a commencé là-bas »

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