Vos lettres et emails sélectionnés
RDC, un navire à la dérive
La durée de la transition prévue en République démocratique du Congo était de vingt-quatre mois, son terme étant fixé au 30 juin 2005. Toutes les parties signataires de l’accord global en Afrique du Sud n’avaient pas reçu mandat du peuple, mais parlaient en son nom et pour son compte. Aujourd’hui, plusieurs griefs sont retenus à l’encontre des responsables de la transition, notamment leur incapacité à instaurer un nouvel ordre politique, à pacifier et réunifier le pays, à restaurer l’autorité de l’État et à former une armée nationale unie et républicaine. Le plus grave étant, peut-être, de n’avoir pas su organiser des élections libres et transparentes.
Nous les appelons à démissionner, pour que la direction du pays soit confiée à une autre équipe capable de nous sortir du marasme.
Ngoma Bazola, Kinshasa, RD Congo
Malaise intellectuel
La lecture de l’éditorial de Béchir Ben Yahmed intitulé « Le poids du nombre » (voir J.A.I. n° 2313) m’a causé un certain malaise intellectuel. Je suis d’accord sur les considérations politiques concernant l’importance de la démographie dans les problèmes géostratégiques du monde. En revanche, je ne tire pas les mêmes conclusions de l’évolution du nombre des chrétiens et des musulmans. Nous n’avons pas de données statistiques convaincantes en provenance de nombreux pays, notamment de France. De plus, le nombre d’adeptes ne signifie pas nécessairement une attitude géostratégique particulière. Enfin, il faut tenir compte du poids des chrétiens déchristianisés et de l’islam en voie de modification, dont l’attitude est difficile à cerner.
Le président français le plus africain
Est-ce le fait d’avoir été élu par plus de 80 % des électeurs contre Jean-Marie Le Pen en 2002 qui entraîne le président français Jacques Chirac à s’inspirer de la politique africaine ? Il a nommé Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, tout en le maintenant à la tête de l’UMP, le parti au pouvoir. Tout Africain sait que c’est le ministère de l’Intérieur, garant de l’impartialité de l’État, qui régit les préfets. Ceux-ci sont l’autorité de tutelle des collectivités locales, ils dirigent la police et même la gendarmerie et sont chargés de l’organisation des élections.
Jusqu’à présent, il n’y avait qu’en Afrique qu’on voyait un chef de parti responsable de l’organisation des élections. Cette « incompatibilité démocratique » est inquiétante pour nous, jeunes Africains, qui voyons la politique française comme un modèle.
Le cumul est une dangereuse dérive et peut conduire à des élections calamiteuses, comme en Côte d’Ivoire. Rendez-vous en 2007.
Côte d’Ivoire : le gâchis
Nous avons vécu beaucoup de frustrations et de brimades sous le régime de feu le président Félix Houphouët Boigny. Nous avions espéré de Laurent Gbagbo davantage de sagesse, de respect de la liberté et de la vie humaine. Que gâchis pour un homme en qui tant d’Ivoiriens ont placé leur espoir. Pourquoi n’a-t-il pas lutté contre la corruption ? Pourquoi a-t-il laissé saccager les locaux de la presse libre, laissé assassiner ses opposants, qu’il s’agisse d’un comédien comme Camara « H », d’un médecin comme le Dr Dacoury-Tabley, voire même d’un jardinier comme celui qui travaillait pour Alassane Ouattara ?
Que cherche-t-il en laissant courir ces voyous surnommés « patriotes », sinon détruire ce qu’a construit Houphouët en quarante ans. Les hommes passent, les nations restent. Mais que restera-t-il de la Côte d’Ivoire, après le passage de Gbagbo ?
Francis Lorognon, Le Havre, France
Droit à l’autodétermination
En posant la question de savoir « à quoi sert le référendum quand le peuple répond à côté de la question (voir J.A.I. n° 2317, l’article intitulé « Une crise de la démocratie »), l’auteur oublie que la démocratie représentative n’enlève pas au peuple le droit à l’autodétermination. Les hommes politiques devraient se rappeler que la politique est l’art « d’écouter » son peuple. Dire que les Français ont répondu à côté de la question est une injure. Ils n’ont pas été hors sujet. En réalité, c’est plutôt le pouvoir qui a posé la mauvaise question, pris les mauvaises orientations, sans se préoccuper de la « France d’en bas ». En soutenant que « le peuple, « balayant le texte », dénature le referendum en contre-plébiscite », l’auteur de l’article oublie que c’est plutôt Jacques Chirac qui en a dénaturé l’essence. Il est intervenu quatre fois, comme pour mettre dans la balance son poids politique. Il avait donc besoin d’un plébiscite, au moment où son gouvernement était impopulaire. Comment justifier autrement le fait qu’il se soit volontiers passé de la voie législative, laquelle lui garantissait l’adoption. Ses compatriotes viennent de lui rappeler qu’ils entendent rester maîtres de leur destin. Ils n’ont pas dit non à toute idée d’Europe, mais à celle qui a été pensée par les élites. La vraie question de fond, à mon avis, est celle-ci : que reste-t-il de la démocratie représentative ? Car c’est elle qui est en crise et non la démocratie tout court.
Bravo Ziguélé !
n Je félicite Martin Ziguélé, candidat défait à l’élection présidentielle centrafricaine par le président sortant, François Bozizé (voir J.A.I. n° 2314), pour avoir déclaré que « le résultat du scrutin est l’expression de la volonté populaire du peuple centrafricain ». L’heure est à l’apaisement. On peut aider à stabiliser et à développer son pays hors du fauteuil présidentiel. C’est absolument nécessaire sur un continent où la démocratie est encore embryonnaire.
Quel statut pour la langue amazighe ?
Dans l’article intitulé « Qui est contre la langue amazighe ? » (voir J.A.I. n° 2316) et signé par Omar Brouksy, il est fait référence à une conférence (et non une déclaration) où j’ai appelé à la reconnaissance juridique du statut national de la langue amazighe (elle est nationale de fait), sans pour autant épouser les thèses revendiquant le statut officiel. Je procède du fait qu’une disposition constitutionnelle n’est pas un ornement juridique, et que tant que la langue n’est pas standardisée, le statut « officiel » risque d’être un bibelot d’inanité sonore. Je revendique toujours ce que j’ai dit à Beni Mellal et ailleurs.
Ce que je tiens à souligner, c’est que j’étais à Beni Mellal en tant que président du Centre Tarik-Ibn-Zyad (association culturelle non gouvernementale), et j’ai donné ma conférence en tant que tel. Par conséquent, mes idées – dans ce cas d’espèce – n’engagent que le Centre Tarik-Ibn-Zyad et moi-même.
Le fétichisme juridique, dont se réclament certains, est-il bien la solution à l’amazighité ? La langue arabe est bel et bien la langue officielle de jure, mais l’est-elle de facto ? Ne devrait-on pas réfléchir à un Weltanschauung (vision du monde collective) amazigh en phase avec la modernité, au lieu de nous perdre en conjectures stériles et stérilisantes à la longue ? Quel contenu insuffler à la culture amazighe, voilà le véritable défi. Je persiste à croire que seuls des intellectuels lucides, au fait des choses, sincères, pourraient lui donner corps.
Hassan Aourid,
président du Centre Tarik- Ibn-Zyad, Rabat, Maroc
Rectificatif
Abdel Aziz Thiam, directeur général de Sitarail, souhaite apporter le correctif suivant à l’article consacré à la Côte d’Ivoire, publié dans notre hors-série d’avril 2005, L’État de l’Afrique. « En page 176, précise Abdel Aziz Thiam, vous écrivez que le trafic sur la voie ferrée Abidjan-Ouagadougou est régulièrement arrêté. Nous tenons à préciser que, après l’éclatement de la crise ivoirienne en septembre 2002, le trafic a en effet été interrompu pendant huit mois. Mais, depuis le 22 mai 2003, Sitarail a repris ses activités. Elle transporte régulièrement, à raison de trois à quatre trains par jour en direction de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou, des hydrocarbures, des conteneurs et marchandises diverses. Les trains de voyageurs roulent depuis le 1er juillet 2003 entre la Côte d’Ivoire et le Burkina, à raison de trois trains par semaine, dans les deux sens, avec plus de 900 voyageurs par train. Depuis la reprise de nos activités, le trafic n’a jamais été interrompu, même au pire moment des événements de novembre 2004 qui ont embrasé Abidjan. »
Que la direction de Sitarail et nos lecteurs veuillent bien nous excuser pour cette erreur.
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