Taïb Fassi Fihri

Ministre marocain délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération

Publié le 12 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique/l’intelligent : Comment expliquez-vous la dégradation récente des relations entre le Maroc et l’Algérie ?
Taïb Fassi Fihri : Lors de sa visite à Alger, en mars dernier, à l’occasion du Sommet de la Ligue arabe, Sa Majesté le roi a convenu avec le chef de l’État algérien d’une stratégie globale : il s’agissait de normaliser les relations bilatérales et de revitaliser l’UMA, tout en laissant aux Nations unies le soin de promouvoir une solution au différend sur le Sahara. Nous pensions ainsi avoir fait un pas, un geste significatif en direction de l’Algérie. Malheureusement, à peine la visite de Sa Majesté achevée, les plus hautes autorités algériennes ont multiplié les déclarations peu amicales à notre égard. Au cours du périple latino-américain du président Bouteflika, à la mi-mai, il n’a ainsi été question que d’imposer au Maroc le « plan Baker II », une proposition que le Maroc a refusée en son temps et qui est désormais considérée comme dépassée par les Nations unies elles-mêmes. Plus inquiétant, dans son message de soutien du 20 mai au Polisario, le chef de l’État algérien renouvelle sa foi en un État sahraoui indépendant et ajoute que c’est porteur d’une telle conviction qu’il compte se rendre au Sommet de l’UMA à Tripoli ! Malgré tout, et afin de préserver l’avenir, Sa Majesté le roi a décidé de maintenir, en son absence, une participation marocaine au Sommet, qui finalement a été reporté.

J.A.I. : Pourquoi le Maroc, après avoir préconisé un référendum au Sahara pendant vingt ans, a-t-il décidé d’y renoncer ?
T.F.F. : Ce n’est pas le Maroc qui a renoncé au référendum. Ce sont les Nations unies et les partenaires concernés par le différend – États-Unis, France, Espagne, Union européenne… – qui ont fait le constat du caractère inapplicable du plan de règlement de 1991. Ce sont eux qui, en conséquence, ont préconisé un compromis négocié et une solution politique, ainsi qu’en témoignent les nombreux rapports du secrétaire général de l’ONU sur ce sujet. L’option d’indépendance étant ainsi exclue, il s’est dégagé, alors, le concept de l’autonomie dans le cadre de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale du Maroc. C’est donc cette solution de compromis, démocratique et conforme à la légalité internationale que nous sommes disposés à négocier.

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J.A.I. : La dernière version du plan Baker propose, elle aussi, l’autonomie. Mais avec un référendum à la clé, au bout de cinq ans…
T.F.F. : Avant Baker II, il y a eu Baker I, un plan que nous avions accepté comme base de travail, mais que l’Algérie a refusé. Puis l’Algérie a officiellement proposé à M. Baker une solution alternative plutôt étrange : un projet de partition du Sahara, avec une partie qui resterait intégrée au Maroc et une autre indépendante. Outre le fait que ce n’était pas très démocratique – où est passé le principe d’autodétermination si cher à l’Algérie là-dedans ? -, cette façon de séparer ainsi les tribus et les familles d’un trait de crayon était évidemment inacceptable. James Baker est alors revenu avec une seconde proposition, que l’ensemble de la classe politique et de la société civile marocaines a repoussée : trop proche du plan obsolète de 1991 et surtout trop risquée pour l’équilibre de la région puisque les cinq années d’autonomie auraient été en fait cinq années de campagne électorale permanente. D’où le retour à une solution politique négociée.

J.A.I. : C’est donc l’impasse, une fois de plus.
T.F.F. : En ce qui concerne le Sahara, qui est pour nous une question nationale, l’ONU recommande de dépasser l’impasse actuelle et de progresser vers une solution politique négociée. Nous y sommes prêts. Concernant le bilatéral avec l’Algérie, la volonté d’aller de l’avant et de résoudre les problèmes est toujours aussi nette. On peut même parler d’option stratégique : pas de survie dans ce monde de tension et de compétition sans le Maghreb et pas de Maghreb sans l’entente fraternelle entre Rabat et Alger. D’où ce qu’il faut bien appeler notre incompréhension. Que souhaite réellement l’Algérie ? Pourquoi s’obstine-t-elle toujours, en 2005, à maintenir fermées ses frontières avec le Maroc ? Matériellement, il ne s’agit, en fait, que d’un seul point de passage douanier entre nos deux pays. Mais humainement et symboliquement, ce geste est attendu par tous les Maghrébins et les partenaires de la région.

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