Quand une main lave l’autre au pays de Mandela…
Le juge Hillary Squires, qui a instruit le procès de Shabir Shaik – l’ancien ami et conseiller financier de Jacob Zuma – qualifie leur relation de « fusionnelle ». Après sept mois de procès, des preuves « nombreuses et convaincantes » lui ont permis d’affirmer qu’elle était généralement fondée « sur la corruption ».
Ce lien entre Jacob Zuma et Shabir Shaik dépasse pourtant ce qui peut être exposé devant un tribunal. Il est aisé de suivre le cheminement juridique du juge Squires pour expliquer la symbiose Zuma-Shaik et la condamner, comme il l’a fait. Une telle vision ignore cependant l’Histoire. Elle repose sur un contresens ou, à tout le moins, omet de rappeler certains aspects de la lutte antiapartheid.
Avant 1994, au sein du Congrès national africain (ANC) – et particulièrement dans les structures clandestines du mouvement -, le népotisme n’était pas chose choquante. Pour beaucoup, il ne l’est toujours pas et on le constate en observant la myriade de relations entretenues par les leaders de l’ANC avec les bienfaiteurs, les hommes d’affaires ou les philanthropes. À l’époque, les conditions de clandestinité imposées au mouvement de résistance empêchaient quiconque de contrôler la moralité de ses pourvoyeurs de fonds.
Selon une légende qui court au sein de l’ANC, le jeune Shabir Shaik était particulièrement doué pour rassembler de l’argent – d’origine parfois douteuse – au bénéfice du parti. Sa famille versait l’une des plus grosses contributions financières du Natal. En tant que blanchisseur d’argent, Shaik rendait des comptes directement à Jacob Zuma. Au fil des années, leur relation s’est transformée en proche amitié.
D’autres responsables de l’ANC cultivent le même type de contacts. L’un d’entre eux se demande, en privé, combien de membres du conseil exécutif national du parti survivraient à un audit minutieux de leurs comptes en banque et de leurs relations privées.
Johnathan Hyslop, professeur à l’Institut pour la recherche économique et sociale de l’université de Wits, explique que le patronage fait partie de nombreux systèmes et sociétés démocratiques. Ce type de pratiques n’est pas totalement illégal, mais il révèle un manque de confiance dans les institutions officielles, comme la loi ou les structures politiques. La légitimité même du système judiciaire est, de fait, mise à mal par la majorité des hauts responsables de l’ANC. Beaucoup préfèrent le bon vieux système de réseau informel à l’appareil d’État. C’est un héritage que l’ANC post-1994 va devoir dépasser s’il ne veut pas perdre son âme au profit de « relations fusionnelles ».
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