Le cinéma iranien, encore et toujours

Sommeil amer, de Mohsen amiryoussefi (sorti à Paris le 1er juin) Chiens égarés, de Marziyeh Meshkini (sortie à Paris le 15 juin)

Publié le 12 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Cela fait maintenant plus de dix ans que le cinéma iranien s’est imposé comme l’un des plus imaginatifs et des plus attachants de la planète. On pouvait craindre qu’il s’agisse d’un succès relativement éphémère, comme celui d’autres « écoles » du septième art un temps à la mode. Mais cette consécration n’a pas ralenti le rythme des sorties de films iraniens. Ni amoindri la créativité dont ils témoignent. Deux nouveaux longs-métrages de
jeunes auteurs un premier et un second film viennent encore le prouver aujourd’hui.
Dans Sommeil amer, le tout récent trentenaire Mohsen Amiryoussefi nous parle d’un sujet a priori peu réjouissant – la mort – dans un décor unique et macabre – un cimetière. Et pourtant, il ne s’agit pas du tout d’un film sinistre mais d’un récit qui tend vers la farce sinon la comédie. En racontant un moment de la vie de Abas Esfandyar, « laveur de morts » dans la ville de Khomeiny Chah, il nous convie à suivre les affres existentielles et les difficultés relationnelles d’un personnage haut en couleur. Esfandyar, en effet, a pour préoccupation obsessionnelle sa propre fin et pour principale activité l’espionnage des employés du cimetière placés sous son autorité – une veuve qui s’occupe des cadavres des femmes, un fossoyeur opiomane, etc.
La particularité de ce film, qui en fait sa force, tient à sa façon de se situer en permanence à mi-chemin du burlesque et du sérieux et, surtout, du documentaire et de la fiction. Le cinéaste, il est vrai, avait pour projet à l’origine de réaliser un documentaire sur les rites funéraires. De ce fait, tous ses personnages, en fin de compte, jouent leur propre rôle.
L’originalité, au moins sur un plan esthétique, de Chiens égarés est moins évidente. Et pour cause. Derrière le nom de la réalisatrice, Marziyeh Meshkini, se cache la femme du plus célèbre des réalisateurs iraniens après Abbas Kiarostami, Mohsen Makhmalbaf. La précision est utile, car il existe désormais une sorte de style Makhmalbaf, à base d’images léchées, dont les propagateurs sont, outre monsieur et madame, leur fille Samira, à peine 23 ans et déjà auteur de trois films maintes fois primés dans les festivals. Et si Chiens égarés se passe en Afghanistan, ce n’est pas par hasard : les derniers films de Mohsen et Samira, dont Marziyeh est régulièrement l’assistante, se passaient eux aussi de l’autre côté de la frontière.
Les deux héros sont deux jeunes enfants, une fille et un garçon, Gol-Ghoti et Zahed, dont la mère est incarcérée et risque la peine de mort pour avoir pris un compagnon après avoir cru son conjoint décédé. Livrés à leur triste sort, le frère et la soeur cherchent à rejoindre leur maman derrière les barreaux. Ce qu’ils ont le plus grand mal à faire, malgré le conseil que leur donne un ex-prisonnier : apprendre à voler en allant regarder dans une salle vidéo des films hollywoodiens et trouver comment se faire prendre grâce au cinéma européen, plus précisément grâce au Voleur de bicyclette.
Cette référence au néoréalisme est bien entendu celle qui vient à l’esprit en voyant non seulement les deux films qui sortent aujourd’hui mais aussi la plupart de ceux originaires d’Iran. Car ils appartiennent à une cinématographie qui réussit particulièrement bien à rendre compte de la vie des gens de toutes conditions, sans pour autant négliger la dimension esthétique et éthique de toute oeuvre d’art. Les films sont plus ou moins bons, aucun ne manque d’ambition.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires