J’accuse

Publié le 12 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

Je savais qu’il avait démembré sa patrie et que lui, si soumis à l’égard du pouvoir colonial, s’était empressé de se révolter contre le premier gouvernement du Congo indépendant.
Je savais que, pour imposer ce démembrement et accomplir cette révolte, il lui avait fallu écraser par les armes l’opposition de toute sa province soulevée contre lui.
Je savais que, faute de trouver assez de Congolais égarés pour mener à bien sa politique, il avait drainé vers le Congo tout ce que comptaient de méprisable l’Europe, l’Afrique et l’Amérique réunies.
Je savais que, dans toutes ses actions, il obéissait à des gens d’autres races qui voulaient perpétuer à travers lui l’esclavage de la sienne, des gens d’autres pays qui voulaient perpétuer à travers lui la domination du sien. […]
J’accuse, au nom de l’amitié fraternelle qui m’unissait à Patrice Lumumba, au nom de la camaraderie de combat qui me liait à Maurice Mpolo et à Joseph Okoto, au nom des trois familles brisées, du peuple congolais meurtri, de l’Afrique frustrée.
J’accuse Moïse Tshombé d’avoir ordonné, le 17 janvier 1961, l’exécution de Patrice Emery Lumumba, Joseph Okito et Maurice Mpolo. Je le mets au défi de prouver le contraire devant n’importe quelle instance nationale ou internationale. Au nom des trois familles, je me tiens prêt à me porter partie civile devant n’importe quelle juridiction. J’accuse pour que justice soit faite et qu’il ne soit pas dit que le rire de l’histrion aura prévalu sur le sourire du prince.
J’accuse, conscient de ce que le Congo et l’Afrique ne retrouveront pas la paix tant que toute la lumière ne sera pas faite sur l’assassinat du fondateur de la patrie congolaise et de ses compagnons.
J’accuse, conscient de ce que, si d’aventure, nous qui nous réclamons de Lumumba, nous poussions notre esprit de compromis jusqu’à jeter un voile sur ces crimes, d’autres surgiraient pour nous écraser, pris d’un dégoût justicier. Car il y aura toujours au Congo des chiens pour déterrer ces cadavres, des fleuves pour les exhumer à la crue, des séismes pour les rejeter à la surface.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires