Un sous-Rambo à la turque

Publié le 12 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

Après avoir connu un succès sans précédent en Turquie, avec 3,5 millions de spectateurs en moins d’un mois, Irak-La Vallée des loups a également attiré un très nombreux public en Allemagne depuis un mois. Cinquième au box-office lors de sa sortie à la mi-février, il n’avait toujours pas quitté la liste des dix plus grandes recettes hebdomadaires du cinéma allemand trois semaines plus tard. À tel point que le quart du budget de ce film – 10 millions de dollars, un record pour la Turquie – a déjà été amorti sur le seul sol germanique. Une performance !
Dans les autres pays européens, et en particulier en France, il est sorti de façon précipitée dans très peu de salles et dans une quasi-clandestinité au début de mars, sans aucune annonce dans les programmes de spectacles, le résultat sera certainement moins spectaculaire malgré la curiosité suscitée par l’atmosphère de scandale qui entoure le long-métrage. Car le succès de La Vallée des loups, à l’évidence, ne repose que sur l’accueil du public turc, important en Allemagne vu l’ampleur de l’émigration dans ce pays et plutôt réduit ailleurs.
Ce ne sont certes pas les qualités cinématographiques du film qui expliquent son succès, en effet, mais uniquement son contenu. Celui-ci flatte – le mot est faible – les sentiments nationalistes et antiaméricains des spectateurs turcs à un moment où l’évolution de la situation en Irak a exacerbé lesdits sentiments. À tout autre moment, ce récit des aventures héroïques d’un agent secret turc qui entend venger par tous les moyens l’honneur bafoué de ses camarades des forces spéciales, humiliés par des militaires américains lors de l’invasion du Kurdistan irakien en 2003, aurait probablement connu un sort plus banal. Celui d’un sous-Rambo ou d’un sous-James Bond à la turque.
Le scénario – un comble, dans la mesure où il est inspiré de faits réels – est des plus simplistes et le plus souvent non crédible. Quant à la réalisation, il paraît difficile de faire moins sophistiqué : quand il y a un flash-back, on passe de la couleur au noir et blanc, le héros turc est toujours bien coiffé même en pleine action, ce qui n’a d’ailleurs aucune importance puisque tous les personnages sont caricaturaux. Bien que l’histoire soit un peu répétitive – une alternance de scènes d’action (bagarres, explosions, etc.) et d’affrontements verbaux -, le spectateur concerné par le sujet peut ne pas trop s’ennuyer s’il regarde ce film naïvement comme une sorte de polar de série Z, plutôt « efficace » grâce à la débauche de moyens mis en uvre lors du tournage, réalisé essentiellement en extérieurs. Rien d’étonnant, donc, si le budget mobilisé a été important : les effets spéciaux sont nombreux, les « méchants » Yankees du film sont joués par de vrais Américains.
L’antisémitisme présent dans quelques scènes et qui a provoqué une polémique en Allemagne est patent. Mais à l’évidence, les véritables cibles du réalisateur sont les Américains et de façon plus ambiguë les Kurdes (car certains sont quand même du bon côté, celui des militaires turcs). Ce qui n’affaiblit pas, bien sûr, le malaise qu’on peut ressentir en voyant ce film, qui, en fin de compte, s’apparente plus à un film, de propagande de bas niveau qu’à une uvre véritable.

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