Salif Keita n’est pas un traître…

Une violente campagne de presse a suivi le retrait de la candidature du président de la Fédération malienne au comité exécutif de la Fifa.

Publié le 12 mars 2006 Lecture : 4 minutes.

Le 18 janvier, le président de la Fédération malienne de football (FMF), Salif Keita, retirait sa candidature à l’élection au comité exécutif de la Fifa devant l’assemblée générale de la Confédération africaine de football (CAF) (voir J.A. n° 2350).
Une décision qui a provoqué, au Mali, des réactions d’une violence inouïe. Elles ont notamment assimilé la décision de l’ancien footballeur à une « trahison ». Une campagne de presse a été déclenchée contre lui, l’accusant d’avoir « sacrifié l’intérêt national au profit de son intérêt particulier ». Dans le flot de calomnies et d’accusations mensongères déversées contre le président – élu – de la FMF, l’hebdomadaire malien Le Sphinx s’est distingué en publiant, le 3 février, la copie d’une note manuscrite. Parue sous le titre « L’Arme du crime », elle aurait été rédigée par Salif Keita lui-même. On peut y lire : « Donner 5 000 euros à Faouzi pour campagne dans Jeune Afrique et pour démolir Amadou Diakité. Fait deal avec Pape Diouf de Marseille pour le match Sénégal-Mali. »
Diffamatoires et injurieuses, ces informations sont d’autant plus scandaleuses que l’auteur de cette « enquête » n’a pas jugé utile de nous contacter, le président de l’Olympique de Marseille (OM) et moi-même, pour avoir notre point de vue sur la question. Plus grave encore, ses « révélations », auxquelles il n’apporte aucune preuve matérielle, ont été reprises par certains médias de Bamako qui n’ont pas pris la peine de les vérifier. La justice malienne se chargera donc d’établir la vérité. En attendant, il convient d’apporter quelques précisions à cette note.

Signalons pour commencer que Pape Diouf, qui préside l’OM, n’exerce aucune charge au sein de la Fédération sénégalaise de football ou à la Fifa, et qu’il ne peut donc, en aucune façon, être impliqué dans le match Sénégal-Mali.
Est-il ensuite besoin de démontrer que l’accession de Salif Keita à la tête de la FMF, de même que le dépôt de sa candidature au comité exécutif de la Fifa constituent des événements dont l’importance justifiait amplement leur traitement dans Jeune Afrique, qui, depuis 1965, a consacré de nombreux articles au talent et à la carrière de ce footballeur exceptionnel ? Je n’avais donc aucune raison de recevoir une quelconque somme d’argent pour en parler, en dehors des émoluments contractuels que m’octroie mon employeur.

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Enfin, la FMF a choisi de présenter la candidature de Salif Keita au comité exécutif de la Fifa. Celui-ci en était le candidat officiel. Il n’y en avait pas d’autre au Mali. Y avait-il lieu, dans ces conditions, de s’intéresser à un non-candidat, en la personne d’Amadou Diakité ? Dans quelle mesure y avait-il besoin de le « démolir », puisqu’il ne briguait aucune fonction ?
En poste au comité exécutif de la Fifa depuis 1998, ce dernier achèvera à la fin de l’année son deuxième mandat à ce poste (voir J.A. n° 2348). Sachant qu’il est aussi membre du comité exécutif de la CAF depuis 1992 et qu’il le restera jusqu’en 2009, M. Diakité n’aurait-il pas dû se résigner à la décision de la FMF et faire preuve de fair-play, en soutenant le candidat officiel de sa fédération, Malien comme lui ?

Malheureusement, l’inverse s’est produit. Les partisans de Diakité ont multiplié les pressions sur la FMF pour la contraindre à retirer la candidature de Salif Keita au profit de celle de leur favori, sous le prétexte qu’avec lui, « le Mali ne perdrait pas un poste à la Fifa ! » « Si les candidatures pour les postes au sein du comité exécutif (CE) sont déposées par chaque fédération nationale, l’élection est faite par l’assemblée générale souveraine », ne cessait de répéter de son vivant l’ancien président de la CAF, Yidnekatchew Tessema. « Ce qui signifie qu’une fois élu par la volonté de cette assemblée, le membre du CE devient un serviteur du football africain et non le représentant de son pays au sein du CE. Le fait d’avoir un ressortissant au sein du CE ne constitue pas, pour un pays, un avantage particulier au sein de l’association. [] » La neutralité des membres de la CAF et de la Fifa est donc, et depuis fort longtemps, un principe admis par tous.
Au Caire, à l’occasion de la tenue de l’assemblée générale de la CAF, des supporteurs zélés de M. Diakité ont mené campagne contre Salif Keita et contre leur propre fédération. Ils ont distribué à la presse internationale des documents hostiles au premier, ainsi que des copies d’un contrat controversé signé par la FMF avec la compagnie de téléphonie Ikatel (contrat suspendu depuis). En décembre 1973, Salif Keita, alors vedette de l’OM, avait refusé de renoncer à la nationalité malienne en dépit de fortes pressions exercées par ses employeurs. À l’époque, un flot d’accusations puantes fut déversé sur lui par plusieurs quotidiens phocéens. Trente-trois ans plus tard, les mêmes procédés sont, hélas ! utilisés à Bamako pour lui rendre la vie intenable, le salir lui et ses amis et l’obliger à démissionner de la présidence de la FMF. On ne peut que le déplorer.

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