Femmes de loi et de foi

La caméra de Kim Longinotto et de Florence Ayisi a suivi, au jour le jour, le travail de deux magistrates au tribunal de Kumba, dans le sud-ouest du Cameroun. Une leçon de vie et de courage.

Publié le 12 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

Nous sommes à Kumba, ville de 100 000 habitants au sud-ouest du Cameroun. Manka, petite fille de 6 ans, a fui sa maison et sa tante abusive. Sonita, gamine de 10 ans, ose accuser son voisin de l’avoir violée. Amina, une jeune femme musulmane, a décidé de mettre fin à son mariage avec un homme brutal en le traînant devant le tribunal. Point commun de ces fillettes et de cette femme ? Deux magistrates, Béatrice Ntuba, juge et présidente du tribunal de Kumba, et Véra Ngassa, avocate et procureure de la République, bien décidées à apporter leur aide pour mettre un terme à ces existences par trop malmenées.
Sisters in Law, documentaire coréalisé par la Britannique Kim Longinotto et la Camerounaise Florence Ayisi, est un film sur le courage au quotidien. Loin des grandes envolées militantes ou du féminisme déplacé, les deux réalisatrices ont fait le choix de montrer simplement comment la violence faite aux femmes peut être battue en brèche lorsque la loi est appliquée. Et il n’en faut pas plus pour que le spectateur se laisse happer par la vie de ce tribunal, où le manque de moyens est largement compensé par l’énergie, la détermination et l’humour des deux juristes.
La caméra de Kim Longinotto suit ainsi, au jour le jour, le travail de ces deux « femmes de loi » et de leur équipe. Car au tribunal de Kumba, par une série de coïncidences, les femmes sont présentes en force. À côté de Béatrice Ntuba et de Véra Ngassa, le commissaire de police est aussi une femme, tout comme la conseillère juridique. En suivant cinq dossiers judiciaires, d’abord dans le bureau de Véra, puis devant la cour, le film montre comment chacune de ces femmes, avec leur personnalité, leur honnêteté et leur sens profond de la justice, se bat dans les quartiers populaires ou dans le prétoire pour que soient mieux connus et respectés les droits des femmes.
Grâce à des plans simples et à un montage extrêmement fluide, ces histoires, pourtant ancrées dans la réalité de la société camerounaise, prennent peu à peu une portée universelle. Difficile de ne pas ressentir de l’empathie pour la petite Manka, pour la timide Sonita et pour la courageuse Amina. La caméra filme leurs douleurs, mais aussi leurs espoirs. Et le spectateur ne peut s’empêcher de se réjouir lorsque, dans les toutes dernières scènes du film, Amina obtient de divorcer de son mari. Une première dans la communauté musulmane de la ville, une première aussi pour Véra qui, en dix-sept ans de carrière, n’avait jamais vu une femme aller jusqu’au bout de la procédure judiciaire. Difficile aussi de ne pas admirer les deux magistrates, qui prennent peu à peu l’étoffe d’héroïnes de leur temps.
Le film s’achève sur une image symbolique : Amina, qui n’est jamais allée à l’école, est invitée par Véra à témoigner de son histoire devant les élèves de son cours de droit. Autre symbole, c’est la date du 8 mars, Journée internationale de la femme, qui a été choisie pour la sortie du film, déjà primé en 2005 au Festival de Cannes. Le documentaire devrait être prochainement à l’affiche au Cameroun.

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