Et Nouakchott surgit du sable

Une série de manifestations à la veille du cinquantenaire de la capitale mauritanienne, créée ex nihilo entre mer et désert en 1958.

Publié le 12 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

A deux ans de son cinquantenaire, Nouakchott a célébré du 13 février au 5 mars son histoire à travers une manifestation pluridisciplinaire associant expositions, conférences, concerts. Créée en 1958, grâce à la volonté de son premier président, Me Mokhtar Ould Daddah, Nouakchott signifierait en berbère « endroit où souffle le vent ». Au départ, un terrain vague pour chacals, hyènes. Et, non loin du désert naissant, la mer.
Pourquoi donc le choix de ce site dépourvu de toutes commodités ? Il répondait à une préoccupation stratégique. Il fallait s’éloigner des frontières des voisins. Le Maroc avait des visées sur le pays, considérant celui-ci comme un simple prolongement de son territoire. On n’était guère plus rassuré par le Sénégal, dont la ville de Saint-Louis servit de capitale à l’Afrique-Occidentale française (AOF). Voilà pourquoi Nouadhibou, proche du royaume chérifien, et Rosso ou Kaédi, toutes deux sur la rive du fleuve Sénégal, seront écartées du choix.
L’exposition Nouakchott 1958-2006 est un travail sur l’histoire et la mémoire. Plusieurs personnes qui ont vu naître la capitale, ou participé à son épanouissement, ont été sollicitées dans l’uvre de reconstitution. Des témoignages d’illustres disparus, à l’instar des écrivains ou méharistes Joseph Kessel, Antoine de Saint-Exupéry, Théodore Monod. À la faveur d’une escale ou d’un simple survol, ils ont eu à écrire ou à confier à un tiers leur vision de la capitale des sables. Des paroles rapportées dans le magnifique livre qui accompagne l’événement et publié à l’occasion : Nouakchott, capitale de la Mauritanie. Cinquante ans de défi. On y trouve aussi les voix de figures contemporaines comme celles de Mariem Ould Daddah, la veuve de l’ancien président, de Diya Bâ, ministre et sénateur, de Hasni Ould Didi, ministre, secrétaire général de la présidence et maire de Nouakchott de 1998 à 2001
Au fil des trente panneaux de l’exposition, les soixante clichés du photographe américain Jonathan Shadid (« Et Nouakchott surgit du sable ») et les images de vingt-cinq Nouakchottois amateurs aident à découvrir la capitale dans toute son ampleur. On y lit que Nouakchott a permis à des peuples « hétéroclites » de cheminer dans une parfaite harmonie. Cela, en dépit des aléas et des contingences qui ont fait l’histoire de la nation même. Le défi commence avec la menace climatique, l’engloutissement de la cité par l’avancée du désert. Ensuite, l’âme de la capitale sera dramatiquement touchée en 1989, lors des événements meurtriers qui opposèrent la Mauritanie au Sénégal voisin. La ville, qui abritait une importante communauté sénégalaise, sera le théâtre d’ignobles furies. Les plaies ont été, depuis, pansées.
Nouakchott fait aujourd’hui face à une urbanisation sauvage avec les gazra, occupations illégales de l’espace. L’avenue Gamal-Abdel-Nasser semble diviser la capitale dans un contraste affligeant entre ville pour riches, au nord, et ville pour pauvres, au sud. D’un côté, des villas cossues et, de l’autre, un habitat de bidonvilles. Un fossé qui risque de s’agrandir avec l’avènement du pétrole.
Nouakchott est donc une ville en pleine mutation. Un processus que maîtrise parfaitement la commissaire de l’exposition, Turkia Daddah. Née ailleurs, comme elle dit, elle vit en Mauritanie depuis 1960. « La Mauritanie a été construite à partir de peu de choses, et de beaucoup de volonté, confie-t-elle. Les Mauritaniens n’avaient pour fierté que leurs terres et l’identité singulière qui était la leur, un pays arabe et négro-africain. Et c’étaient là des sources de motivations immenses. Il fallait donc bâtir quelque chose de différent. J’ai assisté à cette uvre. C’est en partie une des raisons qui m’ont poussée à accepter de participer à cette exposition, qui montre Nouakchott dans sa mémoire. »
L’exposition présentée dans la capitale – au Centre culturel français, au Musée national et à la Nouvelle Maison des jeunes -, et qui pourrait être exportée, a coûté la somme de 220 000 euros. Elle est l’uvre du ministère de la Culture, de la communauté urbaine de Nouakchott, mais aussi de la coopération française et de partenaires privés amoureux de la Mauritanie. Le résultat est là, splendide et passionnant.

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