Tu t’appelles comment ?

Publié le 12 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Dans le train qui m’emporte de Paris vers Amsterdam, je remarque que le jeune steward qui me sert un plateau-repas porte au revers de sa veste un badge, sur lequel s’étale son prénom : Mohammed.
Vous me dites :
– Et alors ?
Je vous réponds :
– Alors, rien.
Rien. Mais tout de même En ces temps de grand malentendu entre les civilisations, afficher ainsi son étrangeté témoigne d’un courage tranquille qui pourrait passer pour de l’inconscience ou de la folie. Combien de Mohammed(s) d’Europe ne sont-ils pas devenus, depuis le 11 septembre 2001, Momo, Moha, Mominette (un seul cas) ou même, carrément, Gregory (c’est très sérieux, je connais un Gregory Bouderbala à Belfort). Et qui oserait leur jeter la première pierre ? Le noble prénom du Prophète n’est en Occident qu’un handicap, un de plus. Hélas ! À un postulant malien de mes amis, un embaucheur potentiel demanda un jour :
– Et en plus, vous vous appelez Mohammed ? Ça ne vous suffisait pas d’être noir ?

Je ne garantis pas l’authenticité de cette anecdote (mon copain malien est très blagueur), mais de ce qui suit je puis témoigner. Une université américaine embaucha il y a quelques années le Marocain Oussama Cherribi, ancien élève du sociologue Pierre Bourdieu et qui fut pendant plusieurs années député au Parlement des Pays-Bas (il fut aussi le « nègre » du célèbre commissaire européen Frits Bolkestein, mais cela est une autre histoire). Bref, Oussama fit ses valises et s’envola avec femme et enfants vers le pays de John Wayne et du Coca-Cola réunis. Mais il y avait un hic : on lui demanda de se présenter désormais comme Sam Cherribi, pour ne pas effaroucher les étudiants. Ainsi fut fait. Play it again, Sam, comme disait Humphrey Bogart dans Casablanca
Ne croyez surtout pas que je me moque du valeureux Oussama. Du temps que j’habitais en Angleterre, une secrétaire genre oie blanche me dit un jour :
– Je n’arrive pas à prononcer votre prénom. Puis-je vous appeler Fred à la place ?
J’ai lâchement accepté Personne n’est parfait. Et chapeau au Mohammed badgé qui me servit mon plateau-repas dans le train Paris-Amsterdam ! Il me donna ainsi un bel exemple de fierté et de fortitude.

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