Trop de liberté tue la liberté

Publié le 12 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Les commentaires suscités par l’affaire des caricatures appellent un certain nombre de remarques. D’abord, ce n’est pas tant le fait d’avoir caricaturé le Prophète qui a choqué les musulmans. C’est surtout l’intention évidente de salir son image et, partant, de nuire à ceux qui le respectent. Car il y a caricature et caricature. Un dessin humoristique montrant une personnalité dans une posture exagérée ou amusante, la gent politique en redemande. Il y a même des caricatures qui expriment un humour affectueux ou déférent – comme celles de De Gaulle par Faizant, ou celles de l’abbé Pierre. Mais une caricature visant, par le biais d’un personnage symbole, à agresser toute une communauté de croyants exerce une influence délétère qui peut semer la discorde et attiser les haines. Les auteurs de tels dessins sont des pyromanes.
On ressasse que la liberté d’opinion est sacrée et qu’elle représente un acquis fondamental des sociétés occidentales. À moins qu’il ne soit un subterfuge, cet excès libertaire n’est-il pas une forme de dogmatisme ? Il n’y a pas de liberté absolue, et les limites sont fixées par la loi, ou imposées par la conscience. La liberté et la responsabilité sont indéfectiblement liées. Et on oublie souvent qu’il n’y a pas d’absolu quand il s’agit de valeurs sociales. Toutes sont susceptibles d’exception quand le bien public l’exige. C’est cela la modernité – ou du moins un critère fondamental de modernité.
Mais cette liberté, en Occident, est-elle à ce point en danger qu’elle ne souffre aucune autre exception ? Si l’on juge déjà que certains sujets doivent rester hors d’atteinte de toute contestation – dans le but, sans doute, de racheter certaines fautes, tant anciennes que récentes -, pourquoi, quand il s’agit de la sensibilité de plus de 1 milliard d’hommes et de femmes, ne prend-on pas la peine de ménager leurs convictions religieuses, par courtoisie, ou seulement en signe de bonne volonté ?
Le Vatican a trouvé les mots justes susceptibles d’apaiser cette querelle quand il a estimé que « la liberté d’expression n’autorise pas à blesser les sentiments religieux ». Les chrétiens et les musulmans d’Orient sont une même famille. Aucune machination ne doit pouvoir les séparer, ou les empêcher de se porter respect réciproque et mutuelle solidarité – même quand leurs intérêts paraissent parfois diverger.
Enfin, si les musulmans ont raison de protester contre des caricatures qu’ils jugent malveillantes à leur égard, ils ne devraient en aucune façon se départir de l’éthique de raison et de sagesse préconisée par leur Prophète. Défendant une cause juste, ils doivent toujours se garder de la compromettre par des gesticulations intempestives.

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