Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 11 décembre 2005 Lecture : 6 minutes.

Immigration choisie
Si la politique de la France est désormais de s’en tenir à une immigration choisie, c’est son droit. Par contre, rend-elle service à l’Afrique en encourageant ses étudiants et ses chercheurs à y demeurer au terme de leurs études, en leur délivrant de façon intéressée un permis de travail ? Je ne crois pas.
Qu’est-ce qui garantit à ceux qui acceptent qu’ils y seront mieux traités que les autres, quand on sait combien les jeunes français issus de l’immigration doivent « ramer » pour
trouver un emploi, même s’ils sont diplômés ?
La dernière crise des banlieues est venue fort à propos le rappeler. Si les différents gouvernements français avaient conduit une autre politique, nous n’aurions pas vu la France en flammes. Traiter les jeunes de racaille est une chose, mais il faut savoir que ceux qui sont invités à rester en France pour remplacer les enfants du « baby boom », en retraite dans quelques années, seront aussi des immigrés et que leur intégration dépendra de la politique.

Sarkozy,Villepin et les immigrés
La course pour l’Élysée entre Matignon et la place Beauvau est entrée dans une phase singulière avec, comme enjeu, la question de l’immigration. Après le plébiscite de la politique de fermeté de Nicolas Sarkozy relativement à la crise des banlieues, le Premier ministre Dominique de Villepin fait intrusion dans le champ de son ministre d’État, promettant une loi qui rendra plus difficile l’obtention de la nationalité française et le regroupement familial. Un plan est en gestation contre la polygamie. Quant à Sarkozy, il promet le rapatriement de 25 000 clandestins en 2006. Plutôt que de s’attaquer aux problèmes structurels de la France, qui sont la compétitivité de son économie, la croissance et la lutte contre le chômage, les deux prétendants à la succession de Jacques Chirac font des immigrés les otages de leurs ambitions.

la suite après cette publicité

Je suis un colonisé volontaire
On nous dit que les causes des émeutes dans les banlieues françaises sont la discrimination à l’embauche et le racisme des Français dits ordinaires à l’encontre des
gens dits « de couleur » ou basanés.
Cause ou conséquence ?
Pourquoi les réfugiés d’origine asiatique n’ont-ils jamais suscité de problèmes similaires ? Beaucoup de « boat people » ne parlaient que peu ou pas du tout le français lorsqu’ils sont arrivés. Quelques mois plus tard, ils étaient insérés et maîtrisaient le français. Leurs enfants posent-ils des problèmes à l’école ? Subissent-ils la
discrimination à l’embauche ?
À propos de colonisation et d’esclavage, quel est donc le peuple qui, à un moment ou à un autre de son histoire, n’a pas subi la colonisation ? « Nos ancêtres les Gaulois » ont été colonisés par les Romains bien plus longtemps que les Africains par la France. De nombreux Gaulois ont été esclaves des Romains, voire dévorés par les lions dans leurs cirques. La France doit-elle demander aux Italiens d’aujourd’hui des compensations
financières à cause du comportement des Romains ?
Je suis marié depuis plus de cinquante ans à une « femme de couleur », je suis donc un colonisé volontaire.

Un bon édito
Mille bravos pour l’éditorial de B.B.Y. intitulé « Le devoir de partager » (« Ce que je crois », J.A.I. n° 2342). Il constitue sans doute le meilleur des textes que j’ai eu le plaisir de lire dernièrement. Je souhaite qu’il ait un impact international et des conséquences bénéfiques pour beaucoup de peuples.

Taxe des billets, idée africaine
J’ai l’impression que la source d’inspiration de la taxe sur les billets d’avion, promue par le président français Jacques Chirac depuis janvier 2005, est africaine. En effet, depuis 1992, un nombre croissant d’organisations de la société civile africaine plaident
en ce sens pour assurer l’autofinancement de l’OUA hier, de l’Union africaine aujourd’hui.
Je suis un lecteur assidu de Jeune Afrique, devenu J.A.I., depuis plus de vingt-cinq ans. Vers 1989-1990, j’ai découvert dans un numéro de votre hebdomadaire qu’environ 10 millions
de touristes visitaient annuellement le continent. Nous venions de créer le Club OUA-Cameroun pour promouvoir les idéaux du panafricanisme. L’idée me vint alors qu’on pouvait
faire appel à la solidarité de ces visiteurs, à hauteur de 10 dollars par touriste et par voyage, pour financer certains programmes. Dès lors, c’est devenu un dossier qui suit son cours dans des organes de l’Union africaine. On attend que les chefs d’État et de gouvernement prennent une décision instaurant cette taxe dans l’espace aérien africain.
Au long de ces dernières années, j’ai continué à trouver dans J.A.I. suffisamment
d’informations, surtout en matière de statistiques sur l’évolution du tourisme et du transport aérien, pour renforcer ma conviction originale. L’initiative du président Chirac
va certainement accélérer celle des Africains. Il en sortira du bien pour l’Afrique.

Où est l’union africaine ?
Il y a quelques mois encore, la conjoncture internationale semblait avoir convaincu les dirigeants africains de s’investir pour faire de l’Union africaine une réalité et un
acteur de poids dans le village global. Les présidents Mbeki, Obasanjo, Bouteflika, Wade, Kadhafi, qui s’étaient illustrés comme porte-flambeau du « Projet Afrique », se taisent.
Des élections plus ou moins réussies ou contestées, émaillées de violences ou pacifiques,
se tiennent ici et là sur le continent. Des associations de victimes ou de parents de victimes, des organisations de défense des droits de l’homme, des journalistes demandent
l’extradition et la comparution devant une cour pénale de deux anciens chefs d’État, pour des crimes commis pendant qu’ils dirigeaient leurs pays respectifs. Le Tchadien Hissein Habré est réfugié au Sénégal et le Libérien Charles Taylor au Nigeria. Au même moment, les députés de République démocratique du Congo approuvent une loi d’amnistie en faveur
des tueurs, de leurs complices ou commanditaires. Qu’avons-nous à faire d’un sommet des chefs d’État d’Afrique et de France, les Africains ne sont même pas capables de s’unir
pour résoudre leurs propres problèmes.

la suite après cette publicité

Courage à la France !
Les banlieues françaises ont vécu un vrai cauchemar. En dehors des dégâts matériels, la démocratie, l’image de marque et la respectabilité de la France sont mises à mal. J’espère
que son élite et ses gouvernants sauront rétablir la situation. Il faut avoir du courage et de la lucidité pour traiter les causes structurelles d’un tel problème, véritable bombe à retardement. Il ne faut pas que la France perde de vue que sa richesse provient
depuis toujours de l’Afrique, continent d’origine de ses Beurs et de ses Noirs. Il faut que le génie français ose remplacer ce qui est perçu comme marginalité et précarité par
acceptation de la différence. La ségrégation urbaine, la discrimination à l’embauche, la pauvreté, le chômage créent une classe de pseudo-citoyens qui peuvent constituer un
danger pour la sécurité et la stabilité des institutions de la République. La France doit accepter le caractère pluriculturel, multiracial et multireligieux de sa société. C’est
ce cosmopolitisme qui fait sa force.
Cependant, j’ai un message à transmettre aux oubliés et aux exclus : sans surpassement, sans discipline et sans droit de vote, rien ne pourra vous permettre de réussir et de
peser lourd sur la société civile.

L’Afrique victime de son élite
L’ensemble des pays africains, les pays membres du FMI (Fonds monétaire international)
ainsi que les ONG à travers le monde ont une obsession aujourd’hui : annuler la dette du continent. Il est vrai que c’est un énorme fardeau qui pèse sur la quasi-totalité des pays d’Afrique. Ne dit-on pas que chaque enfant africain qui naît est déjà un créancier
élu de la Banque mondiale ?
Mais annuler cette dette, n’est-ce pas permettre aux élites de s’enrichir encore plus au
détriment du peuple ? L’expérience a montré que les fonds alloués aux gouvernements africains sous forme d’aide au développement retournent en grande partie dans les banques européennes (on a vu ce qu’il en était à la mort d’Abacha et de Mobutu), quand ils ne sont pas déboursés pour financer les campagnes électorales des grandes puissances qui en retour leur portent aveuglement soutien.
Nous devons savoir que les véritables solutions au problème de sous-développement viendront d’abord des Africains. Un chef d’État qui s’accroche au pouvoir pendant vingt
ans, voire plus, multipliant les efforts pour bénéficier de l’initiative PPTE (pays
pauvres très endettés), sollicitant à chaque fois l’aide extérieure et, de surcroît, ne présentant aucun bilan à ses concitoyens ternit l’image de toute une nation.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires