Un Héros,de Zézé Gamboa

(sorti à Paris le 7 décembre 2005)

Publié le 11 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Ce film tourné sans grands moyens, qui a mis dix ans à se monter, fut l’une des belles surprises du dernier Fespaco. D’autant plus inattendue et sympathique que le cinéma angolais est peu prolifique. Un Héros n’est que le troisième film réalisé dans le pays depuis la fin de la guerre civile. Et le premier à bénéficier d’une visibilité réelle à l’extérieur. Mieux que cela : il a obtenu le Grand Prix du plus important festival américain célébrant le cinéma indépendant, celui de Sundance, et le Prix du public au Festival des 3 continents de Nantes.
Alors que les films sur les conflits armés sont nombreux, celui-ci a le mérite d’aborder un sujet rarement traité : que se passe-t-il dans l’après-guerre, quand, après des années de violence, un pays commence à se reconstruire ? Comment sa population peut-elle tenter, tant bien que mal, de se remettre à vivre normalement ? Dans le cas particulier de l’Angola, Un Héros le montre éloquemment, il ne s’agit certes pas d’un mince défi.
Un tel thème aurait pu conduire à un long-métrage quelque peu rébarbatif malgré son intérêt politique et sociologique. Il n’en est rien, bien au contraire. Car le « héros » qui servira de guide pour explorer la situation chaotique de la capitale de l’Angola est un personnage particulièrement attachant. Ses mésaventures, tragiques et cocasses à la fois, ne suscitent – un mérite à porter au crédit du réalisateur et de son acteur principal, le Sénégalais Oumar Makéna Diop – aucun apitoiement.
L’homme en question, Vittorio, qui a participé vingt ans durant à la guerre civile après avoir été enrôlé de force par un groupe de militaires à l’âge de 15 ans, est un mutilé. Il a sauté sur une mine antipersonnel, perdant une jambe. Arrivé dans le plus grand dénuement à Luanda, avec pour tout bagage une médaille militaire, il vit dans la rue mais entend ne pas perdre sa dignité. Il s’acharne, en vain, à trouver un travail. Il tente surtout, condition préalable pour s’en sortir, d’obtenir d’un hôpital où on le reçoit fort mal l’une des rares prothèses disponibles pour les grands blessés. Mais à peine a-t-il réussi à force d’insister à en posséder une… qu’il se la fait voler par un de ces innombrables gangs d’enfants livrés à eux-mêmes qui hantent la capitale.
Un scénario catastrophe qui permet en fin de compte à Vittorio, dont l’héroïsme consiste surtout à ne jamais perdre espoir, de donner un nouveau tour à sa vie, d’infléchir son destin grâce à une série de rencontres heureuses. Celle du gamin, Manu, qui s’est emparé de sa prothèse et qui retrouvera en lui ce père – jamais revenu du terrain des combats – qu’il a perdu. Celle de Judite, une fille de bar, réfugiée à Luanda après avoir laissé derrière elle un enfant qu’elle recherche encore désespérément, qui lui propose un avenir commun. Celle de Joana, la belle institutrice de Manu, qui a réussi, grâce à une émission de radio qu’elle a organisée avec un ministre démagogue, à aider Vittorio à retrouver sa prothèse…
Zézé Gamboa, dont il s’agit du premier long-métrage de fiction, démontre son talent en réussissant la gageure de raconter cette histoire a priori peu engageante à la manière d’une fable, sans jamais tomber dans le misérabilisme. Un film sans prétention mais dont les images sont belles, les comédiens jouent juste, les scènes sont bien construites et font souvent sourire – même les plus tristes.

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