Axel Kahn

Généticien français

Publié le 11 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et directeur de département à l’Institut Cochin de génétique moléculaire, à Paris, le professeur Axel Kahn (60 ans) est un généticien de renommée internationale, auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation comme Et l’Homme dans tout ça ? (NiL Éditions, 2000) et, en collaboration avec Albert Jacquard, L’avenir n’est pas écrit (Bayard Culture, 2001). C’est aussi un humaniste, membre du Comité consultatif national d’éthique, qui a toujours manifesté un antiracisme intransigeant. Il évoque ici la crise des banlieues françaises.

Jeune Afrique/L’intelligent : Comment expliquez-vous la flambée de violence dont les banlieues françaises viennent d’être le théâtre ?
Axel Kahn : Par la combinaison de plusieurs facteurs.
D’abord, la situation économique des couches défavorisées, très majoritairement d’origine subsaharienne et maghrébine. La différence de leur niveau de vie avec celui du reste de la population et l’absence de projets politiques les concernant ont rendu le clash inévitable.
Ensuite, le fait que la société mette de plus en plus exclusivement l’accent sur la réussite matérielle. Dès lors que les jeunes des cités perdent l’espoir d’y accéder par le biais de l’école, ils se tournent vers d’autres moyens, évidemment contestables. Et il devient très difficile de leur faire accepter les valeurs de la République.
Enfin, l’agressivité croissante dont ils sont l’objet, tant de la part de la police que de la population française « de souche ». Dans ce contexte, les inacceptables sorties d’un Nicolas Sarkozy [« racailles », « voyous », etc.] ne pouvaient que mettre le feu aux poudres. Le ministre de l’Intérieur a failli. Il aurait dû être sanctionné, voire être contraint de démissionner. Au lieu de cela, sa cote de popularité grimpe dans les sondages…
J.A.I. : Certains croient voir dans la polygamie l’une des causes de la violence urbaine…
A.K. : La polygamie ne fait pas partie de ma culture et j’y suis totalement opposé. Mais prétendre qu’elle est l’une des causes de la crise, comme le font certains hommes politiques ou l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse, qui n’a pas dû beaucoup traîner ses escarpins en banlieue, c’est refuser de voir la dimension sociale de la crise : chômage, misère, acculturation, etc. La polygamie n’est qu’un épiphénomène. Je suis convaincu que, parmi les jeunes brûleurs de voitures, les enfants de familles polygames n’étaient pas les plus nombreux.
J.A.I. : Y a-t-il à cette crise un arrière-fond raciste ?
A.K. : Bien sûr, les jeunes ne se sont quand même pas révoltés comme ça ! Ils sont victimes de la couleur de leur peau, de leurs origines, voire du seul fait d’être domiciliés dans certains quartiers. Même avec un bon niveau d’études et des diplômes, leur CV atterrit dans 60 % des cas à la poubelle quand ils s’appellent Mamadou, Saïd ou Coumba. Souvent, ils ne franchissent même pas le seuil du premier entretien. Et ça, c’est frustrant !
J.A.I. : Vous aviez 26 ans quand votre père s’est donné la mort. Il vous a laissé ces quelques mots : « Axel, tu es le plus apte à faire durement les choses difficiles… Sois raisonnable et humain. » Cela a-t-il compté dans votre engagement ultérieur ?
A.K. : Sans nul doute. À l’âge de 7 ans, j’ai un jour traité un camarade de « sale petit nègre ». Mon père, qui était le directeur de l’école, m’a convoqué, m’a demandé de baisser mon pantalon et m’a appliqué un vigoureux coup de ceinture. « Axel, un garçon bien ne doit pas dire ça », m’a-t-il expliqué. Sur le coup, je me suis demandé pourquoi il me disait ça à moi, et pas à Jean-François, mon frère aîné [le journaliste Jean-François Kahn, ndlr]. Est-ce parce qu’il me soupçonnait de dureté de coeur ? Je ne sais. Toujours est-il qu’il a contribué à mon engagement antiraciste.
J.A.I. : Il enseignait la philosophie. Pensez-vous que cette discipline puisse aujourd’hui jouer un rôle dans la dissipation de la haine ?
A.K. : Certainement. La position antiraciste ne peut être fondée que sur un engagement moral et philosophique.

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