Ramsès Arroub, Wafa Assurance : « Deux régions précises, deux stratégies distinctes »
Leader au Maroc, Wafa Assurance fait ses premiers pas hors du royaume. Son PDG détaille son plan de conquête des marchés africains.
Assurances : des produits qui assurent
Débauché du groupe en 2007 pour prendre les rênes de Wafa Assurance, alors deuxième compagnie d’assurances du Maroc, Ramsès Arroub a permis à cette dernière de se hisser sur la première marche du podium. En moins de quatre ans, il a fait de cette société le leader incontesté du marché en s’appuyant sur le vaste réseau de sa maison mère, le groupe Attijariwafa Bank. Après avoir consolidé les positions de Wafa sur son marché domestique, ce polytechnicien se tourne vers l’Afrique : fin 2012, il annonçait la reprise d’une compagnie ivoirienne et la création d’une filiale en Tunisie. Et ce n’est que le début…
Jeune Afrique : L’annonce fin 2012 de votre implantation en Côte d’Ivoire et en Tunisie marque vos premiers pas hors du Maroc. Quelles sont vos ambitions sur le continent ?
Ramsès Arroub : À moyen terme, nous avons des ambitions dans deux régions précises. En Afrique du Nord d’une part, et au Sud d’autre part, dans les quatorze pays de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances, la Cima. Mais nous avons deux stratégies bien distinctes. Ainsi notre expansion en Afrique du Nord aura pour but d’apporter de la valeur ajoutée. C’est pour cela que notre filiale récemment créée en Tunisie s’est spécialisée exclusivement dans le segment vie. Nous comptons avoir un positionnement de niche, pour apporter un plus.
Ce ne sera pas le cas pour les pays subsahariens…
Dans cette région, nous comptons être le plus universel possible, en offrant tous les produits d’assurance. Nous l’avons d’ailleurs annoncé en Côte d’Ivoire, où notre partenaire potentiel, Solidarité africaine d’assurance (Safa), est pour l’instant spécialisé dans le segment non-vie. Si l’opération se concrétise, nous allons essayer d’en faire un opérateur généraliste, en apportant notre expertise et notre savoir-faire.
En Tunisie, le marché draine un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros.
L’incendie qui a endommagé Safa il y a peu risque-t-il de remettre en question le protocole d’accord signé avec votre partenaire ivoirien ?
Nous avons signé en septembre dernier ce protocole d’accord en vue de préparer l’opération d’acquisition. Et nous attendions l’aval des autorités marocaines et ivoiriennes pour conclure. Mais il y a eu entre-temps cet incendie dans un local annexe au siège de la compagnie, qui a causé des dégâts matériels sérieux, dont la destruction de documents importants. En attendant que Safa surmonte cette épreuve, nous avons ajourné l’opération telle qu’elle était prévue par le protocole initial. Cela dit, nous nous intéressons toujours à cette société et au marché ivoirien. Nous sommes disposés à examiner de nouvelles bases de discussion afin de mettre en place un autre partenariat, notamment si les efforts de Safa pour surmonter cette épreuve s’avèrent concluants, dans un délai raisonnable.
Cette compagnie ivoirienne n’est-elle pas trop limitée par rapport à vos ambitions ?
C’est effectivement une compagnie de taille modeste : sa part de marché est d’environ 2 %. Mais ce qui nous intéressait, c’était de disposer d’une porte d’entrée dans le marché ivoirien, le principal de la Cima. L’assurance est un métier de marathonien. Quand on s’implante dans un pays, c’est dans un objectif de long terme. Il faut du temps pour installer les meilleures pratiques.
En Tunisie, vous avez opté pour la création d’une nouvelle compagnie. Comment avez-vous convaincu les autorités de l’intérêt de cette implantation ?
Il faut d’abord rappeler que la création de notre filiale en Tunisie est portée par Attijari Bank, filiale tunisienne du groupe Attijariwafa Bank, qui détient 55 % du capital de la nouvelle compagnie. C’est donc la banque qui est le promoteur du projet ; Wafa Assurance a un rôle de partenaire technique. Le Comité général des assurances, qui est le régulateur du marché tunisien, a accepté notre arrivée parce que nous avons un savoir-faire éprouvé au Maroc. Nous allons aussi créer des emplois qualifiés : nous comptons recruter entre 50 et 100 collaborateurs à moyen terme. Et l’épargne qui sera collectée par la compagnie d’assurances sera essentiellement investie en bons du Trésor tunisien, ce qui représente une promesse de financement pour ce dernier. Voilà les trois principaux arguments qui nous ont permis d’appuyer notre projet d’implantation.
Sur quels autres pays d’Afrique du Nord vous concentrez-vous ?
Nos cibles stratégiques sont l’Algérie et la Tunisie. Mais si une opportunité se présente ailleurs, nous l’étudierons pour, si elle est intéressante, la saisir. Au sein de la Cima, nous allons d’abord nous concentrer sur les quatre gros marchés que sont la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Cameroun et le Sénégal. Ils pèsent à eux seuls 75 % du secteur de l’assurance dans la zone.
Qu’est-ce qui vous a poussés à vous développer sur le continent ?
Les marchés que nous visons ont un potentiel important. En Tunisie par exemple, celui des assurances draine un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros. Le segment vie – où nous serons spécialisés via notre filiale commune avec Attijari Bank – en représente 15 % et équivaut à 0,25 % à peine du PIB du pays. Au Maroc, l’assurance-vie constitue 30 % du marché global et une part de 1 % du PIB. Dans les pays de la Cima, le volume du marché des assurances est de 1,3 milliard d’euros… C’est dire la marge de progression qu’il reste pour les années à venir.
Vous semblez avoir pris du retard par rapport à vos concurrents, notamment le groupe Saham de Moulay Hafid Elalamy…
C’est vrai. Saham est le premier groupe d’assurances à s’être risqué hors du Maroc pour étendre ses activités en Afrique. Mais n’oubliez pas que Wafa Assurance occupait la quatrième position dans le royaume il y a dix ans, en raison de la concentration que connaissait le secteur. Aujourd’hui, nous sommes numéro un. Car ces dernières années nous nous sommes investis dans le développement de notre activité au Maroc. Maintenant que nous y avons consolidé notre position de leader, nous pouvons nous ouvrir à l’international.
Wafa Assurance est un modèle qui fonctionne. Comment comptez-vous le dupliquer sur le continent ?
Au sein de Wafa Assurance, plusieurs savoirs cohabitent. Nous maîtrisons différents métiers et segments, à commencer par celui de l’assurance d’entreprises – notre métier historique -, en passant par l’assurance automobile, l’assurance-vie ou encore les prestations de réassurance. En Afrique, nous comptons exporter les pratiques les mieux maîtrisées au Maroc. Comme nous le faisons déjà en Tunisie, où nous mettons à la disposition des équipes locales les meilleures pratiques en termes d’assurance-vie et de bancassurance. Ce sera la même chose en Côte d’Ivoire, un marché d’entreprises connu pour être foncièrement exportateur et qui a donc besoin de notre savoir-faire en matière d’assurance maritime – domaine que nous maîtrisons bien. Nous allons donc transmettre ce que nous avons de mieux, en fonction des besoins de chaque marché.
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