Wade braque les fonctionnaires

Publié le 11 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Confortablement réélu au mois de février et peu menacé par une opposition passablement atone, le président Abdoulaye Wade doit fait face à une virulente contestation sociale : « marche nationale », le 17 novembre, contre « la vie chère et les menaces sur l’emploi » ; puis grève générale, trois jours plus tard.
À l’origine du mouvement, son annonce radiotélévisée du 2 novembre en faveur d’une baisse des salaires des fonctionnaires et d’une ponction sur ceux du privé afin d’alimenter un fonds de solidarité destiné à lutter contre l’augmentation du prix du pétrole. Une décision prise dans la précipitation, après des échanges de vue avec ses conseillers et quelques grands banquiers, mais sans consultation préalable des partenaires sociaux. La réplique des salariés du public, qui ont été augmentés à deux reprises depuis sept ans, a été immédiate. Le 5 novembre, Cheikh Hadjibou Soumaré, le Premier ministre, a tenté de désamorcer la crise en suspendant la mesure contestée, après une rencontre avec les secrétaires généraux des centrales syndicales. En vain.
« Le gouvernement ne peut pas nous demander d’assumer à sa place les conséquences de sa politique de gaspillage des ressources publiques, explique l’intersyndicale. Ces mesures d’un autre âge ne peuvent masquer la profondeur de la crise et l’urgence d’ouvrir une large concertation pour définir des solutions alternatives consensuelles. »
Soudainement ragaillardie, l’opposition tente d’exploiter à son profit la grogne sociale. Moustapha Niasse, secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (AFP), accuse le camp présidentiel « d’entraîner le pays dans la banqueroute économique et morale », regrette que l’invitation à engager le dialogue social, lancée il y a un an, ait été négligée et invite le chef de l’État à réduire son train de vie. Il lui suggère notamment de ne pas augmenter de 11,5 milliards de F CFA (17,5 millions d’euros) le budget de la présidence et de renoncer à acquérir « un nouvel avion présidentiel qui coûterait 60 milliards de F CFA aux contribuables ». Des déclarations qui, à six mois des élections locales, ont déjà des airs de précampagne.
L’effort demandé aux fonctionnaires paraissait pourtant supportable – une retenue de 1 % sur les salaires compris entre 100 000 F CFA et 300 000 F CFA – et s’inscrivait dans le cadre d’un effort global visant à atténuer les effets négatifs de la hausse des prix des produits pétroliers sur la vie des ménages. « Gorgui » (« le vieux », en wolof) a montré l’exemple en réduisant de 30 % ses propres émoluments, de 25 % ceux des membres du gouvernement et de 20 % ceux des députés. Le Premier ministre a par ailleurs été invité à réduire le nombre des membres de son équipe. Enfin, les Sénégalais ont été invités à faire des économies d’énergie, un secteur largement subventionné.
La hausse du cours du baril, qui flirte désormais avec les 100 dollars, frappe de plein fouet une économie qui n’est jamais parvenue à réduire sa dépendance aux importations. Et celle des biens de consommation courante (intrants, transports, etc.), qui en est la conséquence, grève lourdement le prix du riz, aliment de base des Sénégalais. On n’avait pas vu un tel programme d’austérité depuis le Plan d’urgence économique (PUE) lancé à la fin 1993 pour faire face à la dévaluation du franc CFA. Mais, à l’époque, les réductions de salaires allaient jusqu’à 15 %.
Le FMI et la Banque mondiale ont, on l’imagine, très favorablement accueilli les mesures présidentielles. Le Sénégal est même cité en exemple. « Les autorités ont fait des progrès en matière de maîtrise budgétaire, de transparence dans la passation des marchés publics et de remboursement des arriérés de dette dus aux entreprises privées », s’est félicité le Dr Alex Segura, représentant du Fonds à Dakar.
Ces efforts devraient se traduire cette année par une progression de 5 % du produit intérieur brut, contre 2 % en 2006, ce qui, hélas, n’aura aucun impact sur le niveau de vie de la population, alors que l’inflation devrait avoisiner 5 % cette année. Il ne faut pas chercher plus loin les causes de la grogne sociale.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires