Mauvaise stratégie

Publié le 11 novembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Dans un an tout juste, les États-Unis auront élu un nouveau président. Celui qui occupe la Maison Blanche depuis janvier 2001 est donc entré dans sa dernière année, même s’il reste en fonction (pour expédier les affaires courantes) jusqu’en janvier 2009.
Il n’est pas rééligible et, son vice-président n’étant pas candidat, le tandem est plus libre de ses actes que s’il avait dû se préoccuper de leur impact sur l’électorat.
Cette liberté, le tandem peut l’utiliser pour le bien comme pour le mal, mais ce que nous savons de George W. Bush et de Dick Cheney n’incite pas à penser qu’ils vont faire, dans leurs derniers mois au pouvoir, le bien qu’ils n’ont pas su faire au cours des sept années écoulées. Le voudraient-ils qu’ils n’en ont plus les moyens : beaucoup de leurs collaborateurs ont déjà pris le large, et ils ont perdu leur majorité parlementaire.
C’est donc le moment de chercher la bonne réponse à la question que se posent depuis des années ceux qui tentent de comprendre leur action principale en politique étrangère : Pourquoi ont-ils envahi l’Irak ?

Gideon Rachman, du Financial Times, s’interroge :
Pourquoi l’Amérique s’est-elle impliquée dans la guerre d’Irak ? C’est une question à laquelle, aussi étonnant que cela paraisse, il n’y a pas de bonne réponse.
Était-ce à cause des « armes de destruction massive » ? Le motif réel était-il un grand projet de remodelage du Moyen-Orient ? L’Amérique a-t-elle éprouvé le besoin de faire une démonstration de force après les attentats du 11 septembre 2001 ? Ou bien était-ce une « guerre pour le pétrole » ?
Mon sentiment est que le deuxième motif, le remodelage du Moyen-Orient, a été le plus important – et que les autres considérations ont elles aussi joué un rôle.
Très vite après le 11 septembre, George W. Bush a décidé qu’il lui revenait d’être le Roosevelt ou le Churchill de sa génération : dans un discours prononcé aux Nations unies le 10 novembre 2001, il a fait une comparaison entre la « guerre contre le terrorisme » et la guerre contre Hitler.
Après les attentats les plus meurtriers qui aient jamais été perpétrés sur le continent américain, il était normal que l’esprit du président se tourne vers les grands conflits du passé.
Mais l’analogie avec l’occupation du Japon et de l’Allemagne ne se justifiait pas ; l’Allemagne et le Japon étaient épuisés par de longs combats ; en outre, l’un et l’autre avaient connu une certaine expérience de la démocratie avant la guerre. Les États-Unis eux-mêmes étaient résolus à faire un plus grand effort : ils ont maintenu 450 000 soldats au Japon jusqu’en 1950.
La comparaison entre l’invasion de l’Irak et la Seconde Guerre mondiale était donc fallacieuse : les analogies historiques sont d’ailleurs rarement valables.

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Mon analyse et ma réponse sont différentes :
Au début de 2002, les États-Unis avaient déjà chassé les talibans du pouvoir en Afghanistan, rasé les camps d’Al-Qaïda, capturé ou tué beaucoup de ses dirigeants. Ils ne doutaient pas que Ben Laden ou Zawahiri ne tarderaient pas à tomber entre leurs mains « morts ou vifs ».
Que faire d’autre pour étancher la soif de vengeance du géant, outragé et blessé ? Comment terroriser et dissuader ceux qui sont tentés de s’en prendre aux États-Unis ? Nul besoin de chercher longtemps, aucune hésitation possible : la victime toute désignée est Saddam.
C’est un ancien ami, certes, mais son invasion du Koweït en août 1990 en a fait l’ennemi des États-Unis et d’Israël et, depuis, son hostilité n’a fait que s’exacerber. N’a-t-il pas lancé ses missiles contre les villes israéliennes ? N’a-t-il pas été jusqu’à vouloir assassiner Bush père ?
Sa puissance militaire, son côté incontrôlable, l’ont transformé en danger public pour ses voisins, en particulier Israël.
Last but not least : le sous-sol irakien recèle les secondes réserves mondiales de pétrole. On ne peut pas les laisser à la disposition d’un gouvernement hostile, capable de perturber le marché.

Bien des raisons, donc, d’écarter définitivement Saddam du pouvoir, si nécessaire le tuer, et mettre ses hommes hors d’état de nuire.
La menace militaire qu’il constitue doit disparaître, et le pétrole irakien, s’il ne peut être récupéré par l’Amérique elle-même, sera confié à des mains amies.
On le voit : la décision bushienne d’envahir l’Irak obéit donc à plusieurs motivations. Et vise un objectif : remplacer un régime hostile à la tête du pays arabe le plus évolué et le plus puissant par un régime favorable et docile.

Il a échappé aux stratèges à courte vue qui ont conçu cette entreprise que son succès supprimerait le seul contrepoids à un autre adversaire d’Israël et des États-Unis : l’Iran.
Et c’est ainsi que ce dernier pays a vu s’ouvrir devant lui un boulevard et qu’il est devenu, en 2007, grâce à Bush et Cheney, la principale puissance du Moyen-Orient.

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