Le défi sino-russe

Publié le 11 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Pendant la guerre froide, il était naturel de ranger la Russie et la Chine dans le même camp. Aujourd’hui, les deux pays se retrouvent sur le même terrain idéologique. Ils ont divorcé d’avec le communisme. Mais ils sont l’un et l’autre arrivés séparément à des doctrines politiques très proches. À l’intérieur, la formule est l’autoritarisme, combiné avec une croissance économique rapide et avec le nationalisme. À l’international, l’un et l’autre considèrent que leur nouvelle puissance économique doit leur permettre d’effacer leurs humiliations passées. Et ils se font les apôtres d’une doctrine de respect absolu de la souveraineté nationale.
Les déboires de l’Amérique en Irak ont donné aux Russes et aux Chinois un nouvel allant dans la bataille des idées. Mais la véritable base de leur hyperconfiance en eux est économique. La Chine est une immense ruche manufacturière. Le boom russe a une base plus fragile : l’envol du prix du pétrole et du gaz. Mais les deux pays regorgent de liquidités.

Le fait qu’ils réussissent aussi bien sans se convertir à la démocratie libérale les amène à rejeter de plus en plus vigoureusement les modèles politiques occidentaux. En Russie comme en Chine, on ne parle officiellement que de stabilité. On se refuse à une libéralisation politique rapide – piège qui pourrait provoquer un chaos social.
Lorsque la guerre froide a pris fin, beaucoup en Occident ont cru que la querelle idéologique était terminée. C’était la fin de l’histoire. La Russie et la Chine avaient embrassé le capitalisme. Allait surgir une classe moyenne qui revendiquerait la liberté politique. Près de vingt ans plus tard, il semble en aller tout autrement. Il existe très certainement une riche bourgeoisie dans les grandes villes des deux pays. Mais, pour l’instant, les classes moyennes russe et chinoise semblent plus intéressées par les télévisions à écran plat et les voitures étrangères que par une presse libre ou de nouveaux partis politiques. Il y a encore beaucoup plus de liberté de parole en Russie qu’en Chine. Mais la situation empire – et seule une poignée d’intellectuels semble s’en soucier.

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Les raisons de cette passivité politique semblent à nouveau comparables. L’histoire russe et l’histoire chinoise donnent aux nouveaux riches de bonnes raisons de craindre le « chaos ». Ces craintes sont renforcées par la propagande officielle.
Les inquiétudes des analystes indépendants de Moscou ressemblent fortement à ce qu’on peut entendre à Pékin. Dans les deux pays, le système politique est accusé d’entretenir la corruption et d’ignorer les problèmes environnementaux. Tous deux sont aussi confrontés actuellement à un problème classique dans les pays autoritaires : comment changer de gouvernants sans provoquer de dangereuses querelles au sommet ?
La réponse des élites russes et chinoises à ces incertitudes politiques est également comparable. De plus en plus, leur légitimité interne repose sur un sentiment de fierté nationale renouvelé. Leurs gouvernements font passer un message selon lequel la force économique signifie qu’ils ne peuvent plus être bousculés par l’Occident. Les deux pays expliquent à une opinion réceptive que la faiblesse nationale est une chose du passé. L’insistance avec laquelle la Chine répète qu’elle se battra pour empêcher l’indépendance de Taiwan est populaire. Et l’opinion russe semble ravie que Vladimir Poutine puisse prendre de haut le président américain.

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