Grands principes et petits pas

Le 7 novembre, le président Ben Ali a fêté le vingtième anniversaire de son arrivée au pouvoir. Et annoncé un train de réformes que certains auraient souhaité plus radicales.

Publié le 11 novembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Célébrant ses vingt ans de pouvoir, le 7 novembre, le président Zine el-Abidine Ben Ali (71 ans) a souhaité « donner une nouvelle impulsion » à son « projet de changement » en annonçant une série de mesures censées répondre à certaines revendications de la société civile et des partis politiques. Mais il s’est abstenu d’évoquer l’élection présidentielle de 2009. Et a laissé planer un flou artistique sur sa plus que probable candidature pour un cinquième mandat de cinq ans.
À l’inverse, les banderoles largement déployées dans la salle omnisports de Radès, dans la banlieue sud de Tunis, où avait lieu la célébration, et les slogans scandés par les quelque dix mille militants du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) présents étaient sans ambiguïté : « Yahia Ben Ali ! » (Vive Ben Ali !), « Ben Ali 2009 ! », etc. Depuis un an, la quasi-totalité des organisations et associations nationales exhortent le chef de l’État à se représenter. Et ses ministres sillonnent le pays pour promouvoir sa future candidature.
Entouré de Leïla, son épouse, et de Halima, sa fille cadette, dont c’était la première apparition publique, le président a réaffirmé que son projet reste « l’édification d’une société démocratique et pluraliste fondée sur la liberté d’opinion, le respect du droit à la différence et une culture politique respectant la suprématie de la loi et des principes républicains ».
Parmi les mesures annoncées : la censure (oui, le mot jusque-là tabou a été prononcé) et les interdictions de publications seront, à l’avenir, « du seul ressort de la magistrature ». Au stade du dépôt légal, le contrôle « administratif » sur le livre, les publications et les uvres artistiques est supprimé.
À propos des médias, Ben Ali a réitéré son appel en faveur de la multiplication des « espaces de dialogue » dans les chaînes de télévision publiques et au renforcement de la participation de l’opposition dans les débats consacrés aux grands problèmes nationaux ou internationaux. Le Conseil supérieur de la communication, dont les membres sont choisis par le chef de l’État et ne pouvaient jusqu’ici être saisis que par lui, sera doté d’une personnalité propre et d’une autonomie financière qui la soustraira à la tutelle du ministère de la Communication. Ses attributions seront renforcées, notamment dans le suivi et l’évaluation du secteur audiovisuel.

Le code électoral sera amendé afin d’abaisser de 20 ans à 18 ans l’âge minimum pour être électeur. Le nombre des bureaux de vote sera par ailleurs réduit afin d’accroître le nombre des observateurs chargés de contrôler le déroulement des scrutins. Dans les communes comptant plus de 7 000 électeurs inscrits, il y aura désormais un bureau de vote pour 600 électeurs, au lieu de 450 auparavant. Le nombre des sièges à pourvoir au niveau national (le reste l’étant au niveau des circonscriptions) va être porté à 25 %. Les sièges seront répartis à la proportionnelle entre les perdants membres de partis d’opposition. L’Observatoire national des élections, dont les membres sont désignés par le chef de l’État, va s’ouvrir à des juristes et à des personnalités reconnues pour leur indépendance et leur compétence.
Sur le plan des droits de l’homme, un projet de loi va être déposé pour contraindre les autorités judiciaires à justifier toute prorogation des délais de détention préventive, qui ne seront donc plus automatiques. On attendait d’autres initiatives, comme la réconciliation avec la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme, dont les activités sont bloquées depuis plusieurs années. Il n’en a rien été. En revanche, on a appris quelques heures après le discours de Ben Ali la libération de quatre dirigeants du mouvement islamiste (interdit) Ennahdha, emprisonnés depuis plus de quinze ans pour complot. Des deux mille personnes arrêtées dans le cadre du démantèlement de l’organisation qui s’est ensuivi, seules trente-cinq resteraient derrière les barreaux.
Une autre série de mesures concerne les activités des partis représentés au Parlement. Le montant des subventions budgétaires qui leur sont allouées va doubler. Celles octroyées à leurs journaux vont sensiblement augmenter. Le chef de l’État a par ailleurs indiqué que des instructions avaient été données pour favoriser les activités desdits partis dans les espaces publics, « conformément à la réglementation en vigueur et chaque fois que cela sera possible ». Il existe en Tunisie neuf partis légaux représentés au Parlement. Ceux qui ne le sont pas seront-ils exclus du bénéfice des subventions d’État ? C’était le cas jusqu’à présent. Et cela devrait le rester.

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Démocratisation à dose homéopathique ou changement « cosmétique » diront certains. Le fait est que le président Ben Ali est resté fidèle à la démarche qui est la sienne depuis vingt ans : promouvoir changement étape après étape. Chaque fois, on applaudit les aspects positifs. Mais nombreux sont ceux qui regrettent que les réformes n’aillent pas plus loin.

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